Alien 3 : Prodige scénaristique


Suite des aventures de Ripley, la lieutenante de l'espace, que nous avions vu à bord du Nostromo sous les ordres de Ridley Scott et sur la planète maudite des Aliens grâce à l'imagination guerrière de James Cameron. Troisième épisode de la série, Alien 3 est de loin le plus riche scénaristiquement, même si le premier dépasse tous les autres dans la tenue de l'angoisse et du temps. En filant le bébé à Fincher, à l'époque seulement un jeune talent prometteur, Sigourney Weaver, qui s'est appropriée la saga au point d'en devenir productrice, prend un risque calculé. Elle ne le regrettera pas, et l'on peut voir dans les bonus du DVD, un passionnant documentaire sur le making-of qui nous montre l'excellence du travail entre Fincher et celle qui "habite" depuis plus de vingt ans le rôle de Ripley.

Nous avions laissé Ripley sur une navette avec la petite Newt et un marines, alors qu'elle venait de détruire la reine des bestioles grâce à ses talents de Dockers (!). L'épisode de l'arrivée sur LV-426 avec les marines, filmé par Cameron, était très ancré dans les années 80, c'est à dire qu'il représentait bien les affres de la SF à l'époque confiné dans la technologie à tout crin et la froideur crue de la lumière bleutée. Ici, Fincher, en bon représentant d'un cinéma plus épuré, moins cynique mais en même temps beaucoup plus désenchanté, repart de zéro en faisant arriver la navette de détresse de Sigourney Weaver sur la planète Fury 133, planète pénitentiaire masculine, habité par des tueurs génétiques "YY". On est en plein dans la vision du futur dépeint dans tous les films de SF des années 90, et notamment dans Alien, la résurrection de Jeunet.
Le film de Fincher est un pur exercice de style, même si le réalisateur de Fight Club essaye avec application de briser les règles élémentaires des précédents Alien. Ouvrant son film avec une scène au montage très travaillé, où l'on voit un accroche-visage sur les modules des héros endormis d'Aliens (bravo d'ailleurs pour la reprise presque cut pour cut de l'univers de Cameron), il nous montre l'un des protagonistes -on croit que c'est Ripley- se faire "engrosser" par le parasite, et puis plus rien. La prison, là aussi est un pur exercice de style. Reprenant les codes du genre en matière de film de prison, Ripley en étant le "nouveau" qui va se raser les cheveux. Fincher s'approprie ça aussi en faisant des bagnards des membres religieux, converti à une secte millénariste et apocalyptique dont le prêtre est Charles Dutton, un magnifique acteur. Il commettra un blasphème aussi au code d'Alien en faisant naître la bestiole du corps d'un… chien, lui conférant d'ailleurs d'autres pouvoirs, la rapidité à quatre pattes notamment, laissant entendre que les Aliens se nourrissent des qualités de leurs hôtes !
Tournant plus autour d'une chasse à l'Alien un peu crado qu'autour de la débauche d'effets, le scénario est moins mené à tambour battant et peut s'offrir des plages de "jeu" avec le spectateur, le plaisir intime de Fincher, comme dans "The Game". Après que Cameron nous est offert un Ripley "maman", on voit dans ce film une Ripley tentatrice, qui va coucher avec le médecin qui lui fait des piqûres (magnifique plan sur la seringue) et qui se fera dessouder par la bestiole en exerçant. L'alien, aussi joue avec nos nerfs : il se trouve face à Sigourney et refuse de la tuer. Il court au plafond. Il ne meurt pas dans le plomb fondu… Bien sur, on apprend bien vite que Ripley à une reine dans le corps, et que c'est pour cela que les méchants de la compagnie veulent la récupérer, mais l'ensemble du scénario est construit pour que les rebondissements ne soient pas téléphonés… Et la fin, quand l'Alien naît avant que Ripley ne chute dans le haut-fourneau laisse suffisamment perplexe pour alimenter la parano… Le message de Ripley à l'intérieur du Nostromo, entendu à la fin du film nous fait douter de l'espace-temps. On se rappelle alors des rêves de Ripley dans Aliens, qu'on avait pris pour un choc, mais qui sont peut être des rêves du passé qui sont des rêves du futur, et inversement -ah, le paradoxe temporel ! - et on sort dérouté. Ca tombe bien, c'est la grande passion de Fincher. Et notre grand plaisir !