Alien, le 8ème passager : Le bonheur d'avoir peur


Attention, film mythique ! A l'occasion du vingtième anniversaire de la saga, les producteurs de ce petit chef-d'œuvre ont eu la joyeuse idée de ressortir en un coffret DVD l'ensemble de la série.
Pour le premier volet, réaliser par Ridley Scott, beaucoup de Bonus, et notamment, des scènes coupées qui agrémente la réflexion sur ce que voulait Scott par rapport à son animal, et à sa volonté, dès le début, de voir la monstrueuse bestiole faire des petits. Il y a également l'occasion de suivre les commentaires de Scott himself, et de profiter de la Bande Originale du film, qui si elle est très dépouillée, est l'une des plus terrifiantes connues.
Je ne sais pas si je vais me faire des amis en disant cela, mais l'épisode inaugural est de loin l'un des meilleurs. Tourné en 1979, il est donc fait avec des moyens limités. Et son appartenance aux canons du film de genre SF des années 70 est très marquée. Partout, dans le début du film, on sent l'influence plus que concrète du 2001, l'odyssée de l'espace de Kubrick. Par exemple, cette lente entrée en matière, silencieuse, où la seule humanité présente sont ces diodes impersonnelles et les données d'un ordinateur sans commandement ou la longue plongée dans les abysses froids de l'espace. Le côté pesant marque une allégeance au style édicté par Kubrick. Mais là où 2001 sentait la vie, dès le début et malgré ses déchirements, Alien pue la mort. Comme si, avant même que la bête soit entrée dans le vaisseau, avant même la trahison de Maman, l'ordinateur central qui fait penser à HAL, on avait déjà plus l'espoir d'une rémission. Comme si tout ce qui constituait cette mission -l'ordre secret 935- tendait déjà vers un massacre ! L'éveil, même l'éveil des personnages met en abyme le massacre futur : les couvercles de leurs modules s'ouvrent comme les "lèvres" immondes de l'œuf de la bête.
Scénaristiquement imparable, aux images à la fois très classiques et aux choix très poussés (les travellings sont très maîtrisés), le film éclate vraiment lors de l'arrivée de l'équipage sur la planète d'où ils ont reçut un appel abscons. Cette planète, terrifiante est magnifiée par le travail très gothique de l'artiste peintre suisse Giger, responsable aussi du design de la bête. La scène où John Hurt, accompagné de la trop rare Veronica Cartwright, se fait attraper par l'accroche-visage est splendidement dispendieuse d'adrénaline. Lente, larvée, la terreur fait son entrée. Inutile de revenir sur la scène mythique de la naissance du bébé, à travers la poitrine de ce pauvre Hurt, sauf peut être pour apprécier le traitement des sons et borborygmes de cette naissance.
Dès lors, le film bascule d'époque. Hanté par les années 70, le film va devenir précurseur des années 80. Une fois la bestiole dans le vaisseau, la peur va prendre une forme moins littéraire, plus démonstrative, les images vont revenir à une action plus au premier degré. Ce n'est d'ailleurs absolument pas dérangeant, et le suspense ne se tarit pas. Les scènes où vont s'égrener les morts vont devenir de plus délicieuses pour les nerfs et le personnage de Ripley, admirablement interprété par Sigourney Weaver va prendre une dimension supplémentaire.
Car la vraie invention de ce film à la forme finalement assez classique transposition spatiale d'un scénario éculé (ils sont sept plus un monstre qui va tous les buter un par un mais y en a un qui est plus malin que les autres), c'est l'emploi d'une femme, traditionnellement rabaissée au rang de potiche par des producteurs misogynes, comme héros central de ce genre de film.
Musclée, à la voix et aux traits autoritaires, Sigourney Weaver est parfaite. Et si on peut regretter -pas pour les yeux- que Scott se soit senti obliger de la foutre en petite culotte à la fin du film comme pour dire au spectateur masculin en lui tapant bien fort sur l'épaule "eh t'as vu, en plus c'est une belle gonzesse !", on ne peut qu'applaudir à cette ouverture significative. La fin du film, magistrale ouverture pour un second épisode nous donne envie de revoir la bestiole, et son évident futur face à face avec Ripley. Vite, vite !