Plaidoirie pour le DVD

Or donc, ce soir, je ne vous parlerai pas de cinéma, du moins pas à proprement parler, mais d'un billet d'humeur plus général, et donc de cinéma en fin de compte, puisque tout se rapporte à cela finalement quand je parle d'autre chose dans cette chronique. Mais cette semaine, pas envie de parler vraiment de cinéma…

Depuis le temps que ça couvait, que j'émettais des remugles dans mon coin, en pestant sur le programme des cinémas rouennais qui n'était pas à la hauteur de mes attentes, sur les films des chaînes de télévision qui passent à des heures indues pour qui a envie de les voir dans des condition optimales, sur le tas de VHS non regardé qui s'amoncelle dans mon salon, qui prennent la poussière et qui le fait ressembler à Kaboul après le passage du cyclone W, sur la chaîne cryptée Canal+ qui se moque du monde en ne passant que très épisodiquement des films en VO, sur les VHS de commerce, qui sont recadrées, qui s'usent et qui n'on rien d'attrayantes… Depuis le temps donc que je fabriquais mon ulcère à coups de gueulantes, et d'humiliation de mes réalisateurs favoris, depuis des temps immémoriaux où j'ai couvert mes proches d'avanies parce que Docteur Folamour à été mal enregistré, ou parce que "l'assassinat de Trotski" de Losey est passé sans que je le sache… Eh bien cher auditeur, j'ai franchi le pas !

Noël arrivant, les enfants demandant des petits cadeaux dans leurs petites chaussures, j'ai demandé, dans une lettre tout ce qu'il y a de bien torchée, que le papa noël en question, armée de sa barbe blanche me ramène un lecteur de DVD tout neuf pour me faire du cinéma chez moi.

Oui, pendant longtemps, j'ai accordé au DVD le plus profond mépris, mâtiné d'une méfiance quant à l'objet. D'une part, je me méfie toujours des nouveaux formats, toujours susceptible de changer en cours de route (les possesseurs de CDV, de CDI et autres conneries de ce genre savent de quoi je parle), et puis en plus, le concept de "Home Cinéma" m'emmerde. Moi, je veux toujours aller au cinéma. Mais force est de constater, que là aussi, le DVD a pris une dimension différente. Le lieu cinéma étant en train de s'américaniser totalement, en devenant un simple lieu d'entertainment, où les gens parlent, bouffent et téléphonent sans vergogne, et surtout sans respect du cinéma, il est parfois bon de se retrouver chez soi comme dans une véritable salle de cinéma, c'est à dire dans le silence nécessaire à l'appréciation maximale de l'œuvre.

Même s'il ne faut pas se leurrer, et à moins de posséder un rétroprojecteur à 3000 euros, je ne sais pas comment il est possible de reproduire le cinéma chez soi. Cependant, le DVD représente une alternative intéressante, notamment grâce aux fameux "bonus" qui sont offerts dans les DVD que vous trouvez dans le commerce. Prenons un exemple. Depuis que le père Noël m'a donc apporté ce fabuleux objet, j'ai déjà étudié, et visionné plusieurs galettes pour vous en proposer une petite sélection. Je ne parlerai bien sur pas des films récents, parce que d'abord, vous n'aviez qu'à les avoir vu au cinéma, mais aussi parce que tout le monde en parle. Sachez simplement et pour info que le coffret du Fabuleux destin d'Amélie Poullain sort en DVD le 20 décembre, dans un coffret spécial, et que l'ensemble, bonus y compris, al'air tout à fait fabuleux, ce qui tombe bien.

Mais je vous parlerai plutôt de tout ce qui m'a été donné de voir dans les vieux film. Mon premier réflexe a été -bien sur- de me renseigner sur ce qu'ils avaient fait de ce cher vieux Kubrick. Surprise. Les couleurs sont fantastiques. L'image, elle, est fidèle, non recadrée. Le son est monumental, et si on le branche sur la chaîne hifi, on se croirait vraiment revenu dans notre bonne vieille salle de quartier, sans les dindes qui gloussent au mauvais moment, sans les chuchotis de mamy tromblon qui ne comprends pas les dialogues… Le bonheur. Chaque scène est millimétrée. On veut réétudier un plan ? on appuie sur une touche… Après plus de dix visions D'Orange Mécanique, par exemple, je n'avais pas encore remarqué l'importance des affiches dans le commissariat de police, qui délivrent de vrais messages politiques. C'est maintenant fait.

Mais le vrai bonheur, c'est de pouvoir redécouvrir des films mythiques dans des conditions optimales.. Regarder par exemple, My Fair Lady, le film de Georges Cukor de 1956, cette comédie musicale avec Audrey Hepburn est un véritable bonheur. Imaginez plutôt que vous pouvez profiter d'une copie restaurée, avec un son Dolby cinq canaux qu'on croirait sortie du dernier Star wars !

J'en entend presque bruisser certains sur ce film un peu courgette, ce pur produit d'Hollywood… Mais justement prenez le temps de regarder My Fair Lady, et vous verrez que c'est une comédie résolument moderne, avec un vrai questionnement… et quelle comédie musicale. Audrey Hepburn et sa voix si douce devrait suffire à notre bonheur… Mais il y a le rythme, la maîtrise des plan de ce requin de Cukor qui arrive à nous tirer rire et larme, et qui nous rappelles une époque où Hollywood n'avait pas besoin de bruit pour pouvoir nous illuminer. Il suffisait de voir la technique de leurs serviteurs ! Regardez Rex Harrison dans son rôle de Pygmalion, c'est une leçon pour tous ceux qui ont rêver de faire du cinéma. De plus, la présence systématique des bandes annonces dans les DVD rappellent le plaisir inouï de découvrir ces petits chef-d'œuvre de montage. Chef-d'œuvre qui ont tendance à se tarir, voire pire, à ne plus être respectés par les spectateurs, qui leurs préfèrent les pubs. Oui, peut être ce que je dis va paraître vieux con, mais regardez plutôt le DVD… Mais rendez- vous compte par vous même !

Et je pourrai faire le même commentaire pour les film d'Hitch, les films de Tati qui ont été particulièrement bien soignés par le studio Canal, les séries Z de SF qui sortent dans une collection dirigée par Dionnet, L'œuvre de Caro et Jeunet rassemblée dans un même coffret, les films noirs diffusés - ça tombe bien - par la section "vidéo" de la série noire, le coffret Chabrol, le fabuleux coffret "Fincher"… Bref, l'émotion du cinéma.