Que de Coach-nneries...

 

Même privée - temporairement - d'ondes, j'ai décidé de continuer à répandre mes fielleuses chroniques via le Net. Ne croyez pas, chers internautes, que j'en aie après TF 1… Loin de moi cette idée… Mais il se trouve qu'en ce moment, la première chaîne nous offre un festival de mauvais goût, que mon regard critique aguerri par un bon quart de siècle de visionnage télévisuel ne pouvait ignorer.

Vendredi dernier 1er mars, j'ai donc renoncé à traîner mes guêtres au cœur de la nuit rouennaise (tout un programme…) pour m'installer fièrement devant mon petit écran, prête à encaisser deux heures d'inepties racoleuses, à l'éthique souvent douteuse. Intriguée que j'étais par le passage de cette émission au zapping le mois dernier, je ne pouvais me résoudre à décéder idiote, sans avoir vu au moins une fois Le Coach, sur TF 1. Et bien je suis venue, j'ai vu et… j'ai pas été déçue !

Accueillis par le truculent (!) Julien Courbet sur un plateau gigantesque, des illustres inconnus faisant le plus "Français moyens" possible, font état de leur difficulté à surmonter une négociation. Négociation sous toutes ses formes, au sens de tractation, de compromis entre deux êtres humains ou groupes d'êtres humains. En gros, des gens qui ne sont pas "grande gueule", comme on dit en langage familier, vont se faire aider par un "coach" pour arriver à leurs fins. Déjà, le concept pue la démerde à la Combien ça coûte à plein nez, on sait qu'on va s'en prendre pour 120 minutes de combines limite, dont les résultats seront, sans aucun doute ;-), tout à fait fulgurants.

Apparemment, les sujets proposés tournent toujours autour des mêmes questions existentielles qui hantent le spectateur de TF 1 : comment dépenser le moins de fric possible pour acheter quelque chose qui vaut cher ? comment faire pour séduire ? J'ai l'air de schématiser, mais visiblement, c'est toujours de ça qu'il est question dans cette émission.

Concrètement, comment ça se passe ? Le ou les intéressés sont orientés vers un "expert" de la question, qui sera leur coach pendant toute la durée de l'opération. Ce coach les prend en charge avant, en leur expliquant les combines à mettre en œuvre pour arriver à leur fin, et pendant la négociation, à l'aide d'une oreillette. Car il faut préciser que le coach en question est planqué à quelques mètres du terrain des opérations, dans une camionnette, d'où il peut tout suivre à l'aide de caméras et de micros cachés.

Ceci étant posé, revenons sur l'émission du 1er mars dernier. Je passerai sur le premier et le dernier "reportage", dans lesquels il était question de la vente d'une cuisine équipée et d'une maison. Pas très intéressant, et en plus, les procédés érigés en conditions sine qua non d'un achat réussi m'ont donné la nausée. En revanche, je vais m'attarder sur le second sujet, qui m'a montré que les frontières du mauvais goût qu'avait établi Loft Story l'année dernière pouvait être sans cesse repoussées.

Ce sujet concernait une jeune trentenaire, qui a eu le courage - ou l'inconscience ? - de nous dévoiler à la fois son nom, son prénom, son lieu de résidence et son lieu de travail. Cette jeune fille, plutôt avenante d'apparence, était littéralement désespérée de ne pas trouver chaussure à son pied et se trouvait trop timide pour aborder les hommes. Tiens… ça me rappelle un bouquin adapté - de façon catastrophique - au cinéma dernièrement. Mais peu importe, c'est moi qui suis mauvaise langue… sans doute… Bref, cette jeune fille, plutôt que de prendre conseil auprès de ses amis, de magazines, de psys ou tout simplement d'un nouveau cerveau qu'un ami bienveillant lui aurait offert pour la Noël, elle préfère s'adresser à TF 1 qui, c'est sûr, va faire d'elle une croqueuse d'hommes, voire lui permettre de rencontrer un homme qui soit beau-jeune-riche-intelligent-cultivé-drôle-attentionné-qui-aime-les-enfants, avec qui elle va bien entendu se marier à l'église dans une belle robe blanche avec une longue traîne…

Devant cet alarmant constat d'échec dans la vie de cette pauvre jeune fille, que nous appellerons Marcadine parce que j'ai oublié son prénom et que j'aime bien les Robins des Bois, Julien Courbet lui a fait rencontrer un coach, une experte, dont le métier est, je vous le donne en mille, de tenir "une école de séduction", rien de moins ! Ni une ni deux, Marcadine se fait prendre en main par sa coach, qui lui apprend à faire la lionne devant des miroirs et à se frotter l'entrejambe sur le costume de Roger Cageot déguisé en James Bond. Telle Nadine de Rothschild, elle lui apprend aussi à bien se tenir et à faire la conversation aux messieurs, parce que y'a pas de secret, si on veut avoir une chance de se faire dérider les fesses comme dirait Brassens, il ne faut pas dire n'importe quoi n'importe quand. Et visiblement, il est très important de savoir faire la lionne devant un miroir. Mouaif. Je reste quand même un peu sceptique là-dessus mais bon, il paraît que cette dame est experte alors…

Jusqu'alors, le sujet est juste grotesque, on se dit que Marcadine est une pauvre fille un peu paumée et pas sûre d'elle pour deux sous mais que bon, c'est pas grave, elle va rencontrer un jour l'homme de sa vie, chaque pot à son couvercle, non ? Mais le reportage ne s'arrête pas à cette singulière "leçon de séduction", qui n'est rien d'autre qu'un condensé de tous les carcans comportementaux imposés par une société phallocrate dont les femmes essaient de se sortir depuis 35 ans… Mais laissons de côté le couplet féministe à propos de ce "cours", car ce qui suit est bien plus grave et surtout bien plus sordide.

Car forte de cette journée de formation intensive à la féminité selon le code des bonnes manières bourgeoises, notre amie Marcadine se rend à une soirée organisée en son honneur, à laquelle ont été conviés 5 célibataires, histoire qu'elle ait le choix… Des caméras et des micros ont été placés un peu partout dans l'appartement, et une oreillette permet à Marcadine de rester en contact avec son "coach" pendant toute la soirée. Imaginez un peu le truc : vous êtes invité à une soirée où vous êtes censé vous taper quelqu'un mais vous ne savez pas qui, et ce devant des caméras, avec une hystérique qui vous hurle dans l'oreillette la conduite à tenir en toute circonstance ! Si l'Enfer existe, on n'en est pas loin je crois !

Je n'insiste pas sur les détails, disons seulement qu'avec un naturel auquel même Matthieu Amalric n'a rien à envier - c'est dire ! - Marcadine a réussi à en attirer un dans la cuisine, pour aboutir à une scène assez glauque et voyeuriste pour qu'elle me répugne au point de détourner le regard un instant de mon écran. Ca a l'air anodin comme scène, c'est juste un premier baiser un peu hésitant, un peu pataud comme il en existe bien plus souvent que ces scènes de cinéma si bien huilées. Mais pénétrer comme ça dans ce moment d'intimité, même faussée par la présence des caméras connue par Marcadine, c'est d'une indécence incroyable. Non pas que j'aie été choquée, il m'en faut bien plus que ça, mais j'ai été gênée, gênée d'être devant ma télé à regarder ce déballage de détresse, cette mise à nu de la misère sexuelle d'une partie non négligeable de la population française, de ces "célibattantes" qu'on a érigée en icônes dans les années 80 et qui aujourd'hui se demandent ce qui peut bien leur manquer. Perversion du féminisme ou piège tendu sciemment par la société patriarcale et fondamentalement machiste dans laquelle nous vivons ? Je n'ai pas la prétention d'avoir la réponse à cette question, mais j'ai bien une idée…

Et pour celles (et ceux, car il en a aussi) qui ont lu et aimé Le Journal de Bridget Jones (Voir la critique du livre / la critique du film), sachez que la suite est parue en poche dernièrement. Elle s'intitule L'Âge de raison. Et remet les pendules à l'heure, en distillant, de manière parfois insidieuse, de TRES bons conseils, dont le plus important est qu'il vaut mieux se fier à son instinct que… de suivre des conseils…!