Le meilleur de l'an 2000

Spéciale Arletty


Pour quelques dossiers, nous allons nous attarder sur quelques aspects du cinéma Français. Inventeur du 7ème Art, par les frères lumières en 1898, le cinéma français a connu et connaît une grande notoriété partout dans le monde.

Grâce à différents portrait, je vais essayer de brosser un portrait de toutes ses facettes, ou tout du moins, de quelques unes de ses figures les plus importantes.

Premier portrait, celui d'Arletty. Avant de la présenter, il s'agit de dire que le portrait qui suit n'est pas tout a fait objectif, puisque l'actrice a joué dans deux films que j'adore : Les Enfants du Paradis de Marcel Carné et Les Visiteurs du Soir de du même réalisateur avec qui chaque collaboration (Hôtel du Nord, Le jour se lève... fut déterminante).

Léonie Marie Bathiat est né le 15 mai 1898 à Courbevoie, tout près de Paris. De Paris, elle tire d'ailleurs toute sa notoriété, puisque sa gouaille lui assurera très vite dès rôle de môme de Paris dans des comédies musicales de cabaret parisien. Beauté ténébreuse de l'époque, ses deux qualités première vont lui offrir les grâces du cinéma dès 1930 et son premier film, La Douceur D'aimer. Mais nous n'en somme sommes pas là.

Son père meurt en 1916, écrasé par un tramway. Il était chef d'équipe au métro parisien. Dès lors, celle qu'on appelle pas encore Arletty travaille pour vivre ; d'abord dans les usines d'armement : c'est la guerre et les femmes travaillent pendant que les hommes sont au front. De cette époque, elle conservera un sens des réalités du travail qui lui restera jusqu'à la fin de sa vie. Elle ne se prendra jamais pour une star, et se considérera toujours comme une fille du peuple. Elle débute d'ailleurs au cabaret des Capucines en 1925, dans une revue qui s'appelle "CGT roi", après être devenue dactylo à la fin de la guerre.

Elle devient dès lors une petite attraction parisienne. Jusqu'à son premier film, "la douceur d'aimer" de René Hervil, elle chante dans les cabarets. Elle chantera d'ailleurs des chansons populaires dans la plupart de ses films. La première chanson enregistrée, est celle du film, un chien qui rapporte, la chanson, un cœur de parisienne date de 1931. On en écoute quelques bribes.

Les films s'enchaînent, et son premier grand succès au cinéma reste Pension Mimosa en 1935, le film de Jacques Feyder ou elle joue le rôle de la parachutiste Parasol, un film ou l'assistant réalisateur est un certain Marcel Carné. C'est alors l'avènement du front populaire, et elle devient une des icônes du renouveau populaire de cette époque. En 1938, elle connaît son premier film avec ce fameux Marcel Carné, qui lui fait rencontrer Prévert et Cocteau. C'est Hôtel du Nord, et sa fameuse réplique devenue célèbre dans le monde entier : "Atmosphère, Atmosphère" sur des dialogues du grand Henri Jeanson, dont une biographie vient de sortir. Cette première collaboration avec Carné est aussi un premier rôle au cinéma pour Bernard Blier, en amoureux transi de la belle. Elle inspire beaucoup les écrivains de l'époque Guitry lui offre faisons un rêve en 1937 et Prévert lui donne un rôle magnifique dans le film "Le jour se lève" où elle donne la réplique à Jean Gabin. Ce film est à nouveau signé par Marcel Carné en 1939. Il est d'ailleurs resté très célèbre, notamment à cause de son innovation technique. En effet, c'est la première fois que le récit n'est pas linéaire, mais se sert au contraire des Flash-back. La même année elle rencontre Michel Simon au théâtre puis au cinéma, c'est "Fric Frac" puis "Circonstances atténuantes" dans lequel ils chantent en duo, la célèbre "comme de bien entendu." Il est à noter que le scénario de "circonstances atténuantes" est signé Cocteau. On arrive à la seconde guerre mondiale et la fleur de pavé inspire de plus en plus les grands auteurs du cinéma français. La période de la guerre est déterminante pour Arletty :les studios de Billancourt où sont tournés tous les films parisiens de l'époque manque de moyen et sont parfois censurés. C'est là que le génie de Prévert, le plus grand poète français du 20ème siècle, entre en jeu. Totalement séduit par le jeu et le charisme de l'actrice, il écrit deux films, histoire et dialogue, complètement dédiés à Arletty, et qui sont aussi des films qui flirtent avec la censure nazie de l'époque. Il s'agit des "Visiteurs du soir", une histoire d'envoyés du diable venu pervertir un couple de châtelains dans la France du Moyen âge. L'autre "Les Enfants du Paradis", l'histoire du "Boulevard du Crime", à Paris, la plus belle histoire d'amour jamais vu au cinéma - rien à voir avec Vous Avez un Message - et film inspiré que beaucoup considère, et je ne suis pas le dernier, comme la plus belle œuvre que le cinéma ne nous aie jamais apporté. De Prévert, Arletty disait en 1988 : " Il m'a donné des phrases pleines de poésie, de rêves de silence. Il faut aimer les comédiens pour leur donner de si beau rôles. Je souhaite à toutes les femmes de rencontrer un Prévert un jour dans leur vie."

L'amour d'Arletty pour Prévert est tel qu'en 1959, elle donnera sa voix au seul court métrage réalisé par le poète, "Les primitifs du 13ème". et en échange, Prévert lui donnera des répliques restés dans toutes les mémoires : Paris est si petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour ou Non je ne sui pas triste, mais je ne suis pas gaie dans la boîte à musique le ressort s'est cassé. L'air est toujours le même mais la musique a changé.

Commencée avec "Les visiteurs du soir", l'histoire d'Arletty avec Prévert est la plus belle page du cinéma français de la première moitié du siècle du septième art. Et la chose la plus importante à noter, c'est que Prévert, a choisi lui même et avec Carné le réalisateur dont il sera question un autre jour, a choisi Arletty parce qu'il avait écrit le film pour elle. De plus, ce film, tourné pendant la guerre eu le mérite d'employer des juifs, comme Guy Abecassis, décorateur sur le tournage.

Ironie de l'histoire : après la guerre, juste après, Arletty est arrêté par les forces de la Résistance, sans doute des anciens collabos reconvertis au mœurs lourdes et grasses de pétainistes reconvertis , parce qu'elle avait pendant la guerre, offert les grâces de son corps à un officier allemand. Crime que ces mufles inconséquents nomment d'un terme d'une classe proportionnellement inverse à leur courage de résistant pendant la guerre : "collaboration horizontale". Lors de son procès elle eut cette gouaille "Moi, Monsieur, mon cul est international !" Si l'on ajoute à cela un œil avisé sur le monde des lettres attisé par ses fréquentations - Cocteau, Sartre, Guitry, Ionesco - qui l'a fait prendre la défense de l'écrivain Céline, comme n'importe quel Sartre de Bazar n'eut jamais le courage de le faire, la môme Arletty, qui avait tout donné au cinéma, et principalement ses lettres de noblesses, se retrouve par le fait de la loi dans l'incapacité d'exercer son métier. Elle revient en 1949 dans le film "Portrait d'un assassin" de Bernard Roland, après avoir jouer la version théâtrale "d'un tramway nommé désir" à Paris. Sa carrière s'en retrouve relancé, et mis à part une erreur sur son parcours : "Mon Curé chez les Pauvres" en 1956, Léonie Bathiat enchaîne après guerre les succès de renommée, comme par exemple "Huis Clos", moyen métrage de Jacqueline Audry tiré de la pièce de Sartre en 1954.

En 1955, le talent d'Arletty est enfin reconnu. A Cannes, elle est désignée au poste prestigieux de président du Jury. Palmarès à son image : "Marty" de Delbert Mann, un polar américain obtient la Palme d'or et "Du rififi chez les hommes" de Jules Dassin, film dans lequel elle aurait pu jouer gagne le prix du Jury. La même année, elle refuse avec fougue la Légion d'honneur, rappelant les épisodes indignes de l'Après-guerre la concernant.
Mais elle est consacrée par l'honneur du public, et les années 60 furent pour elle ceux de la reconnaissance et de l'intronisation d'Arletty au rang des légendes vivantes du Cinéma Français. Comble de la revanche et sommet d'ironie, son dernier grand rôle au cinéma reste son seul rôle dans un film américain : celui de madame Barrault, résistante dans "Le jour le plus Long" de Richard Fletcher en 62. Son dernier film, elle le tourne en 1967. Il s'agit de "Dina chez les rois", qui ne resta pas dans les mémoires. Arletty quitte alors le cinéma de son plein gré et se retire du monde dans un hôtel particulier à Paris, où elle s'éteindra le 24 juillet 1992. Le cinéma français perdait ce jour là une de ses plus belle lueur. Et dire qu'on attend toujours qu'on lui rende vraiment hommage pour ce qu'elle a apporté, au delà d'Atmosphère, Atmosphère et de Madame sans gène…