Dossier
cinéma aujourd'hui consacré comme promis la semaine
précédente dans le cadre de notre spécial blaxploitation,
le cinéma africain-américain des années 70, qui
revient aujourd'hui avec verve, à l'occasion de la sortie de
Shaft 2000 début novembre. Qui revient également en
verve à l'occasion du tournant revival soul-funk que prend
la musique noire ces derniers temps, et ce ne sont pas des vieux cons
comme moi qui viendront s'en plaindre.
Il est assez difficile de faire un dossier sur ce courant cinématographique,
car s'il n'a eu qu'un épicentre assez limité (environ
de 71 à 75), et s'il est d'un intérêt cinématographique
assez voire très limité, ses séquelles se ressentent
aujourd'hui encore jusque dans le cinéma le plus proche de
nous. ses qualités sont celle de ses films Z de l'époque,
inventivité des effets spéciaux à 2 francs, Plan
de caméra "psychédélique", indépendance
totale et repoussant très loin les limites du moralisme.
Loin en tout cas d'un certain cinéma qui ne pense qu'au pognon
et qui en France notamment surfe sur la vague revival comme old-school,
qui se voulait un film alors qu'il n'est juste bon qu'à être
comparé au plus mauvais épisode du Prince de Bel Air.
En revanche, il n'est un secret pour personne que le cinéma
de Quentin Tarantino, en tout cas pour Pulp Fiction et Jackie Brown
sont directement influencé par le cinéma de la blaxploitation.
Deux grands succés intéressant, justement par leur exemplarité
: si Pulp, le moins marqué des deux opus, a obtenu la palme
d'or en 94, Jackie Brown y fait directement référence,
et ça pour plusieurs raisons : d'abord parce qu'il a attrait
à la drogue, plaque tournante des sujets des films de la blax,
d'autre part parce qu'il a pour personnages principaux, une héroïne
modèle, modèle de tous et modèle des noirs américains
qui nique tout le monde, confrontés à une meute de petits
blancs décadents et gavés de came qui lui mettent des
bâtons dans les roues aussi gauchement que possible, et confronté
également à un noir camé ou dealer traître
à sa race et qui essaye de vendre sa sur. Autre similitude,
l'héroïne en question est interprétée par
Pam Grier. Dernier point de concorde, le tout est réalisé
est produit et réalisé par un blanc.
Dans ce dossier, nous viendront à parler d'abord de Pamela
Grier, ensuite d'un film de la blaxploitation particulièrement
réussi, Foxy Brown, et des raisons objectives de réalisateurs
comme Tarantino pour s'inspirer d'un tel mouvement cinématographique.
Pamela Grier est né en 49, à Salem, d'un père
héros de l'aviation durant la 2ème Guerre Mondiale et
sa plastique fantastique l'entraîne à 21 ans, en 1970
à tourner dans les films de séries Z qui fleurissent
à l'époque : le fantastique-gore, les films autours
des prisons pour femmes, et bien sur les films destinés au
consommateurs noirs, les films aux héroïnes sulfureuses
dont elle deviendra la fer de lance grâce également à
une pratique impressionnante de plusieurs arts martiaux, très
à la mode également.
Son premier film, Big Doll House, d'un réalisateur qui la suivra
jusqu'à la fin de sa "première" carrière,
Jack Hill, avec qui elle fera Coffi et Foxy brown, se déroule
dans une prison pour femme. Ou elle se bat pour conserver sa dignité
de femme noire, alors qu'elle est emprisonnée à tort
pour une affaire de drogue. Nous sommes en 1971 et la blaxploitation
est né de la conjonction de plusieurs genres de la sous-culture
américaine dont nous avons déjà parlé.
Dès 77, la mode de la blax disparaît aussi vite qu'elle
était apparu pour laisser la place au disco et son message
moins politique, moins communautaire, et qui s'attache à occidentaliser
le Funk. Dès lors Pam Grier se retrouve hors-circuit, avec
une image qui ne colle pas à l'esprit disco, moins proches
des ghettos. Elle se retrouve à taffer dans des séries
TV peu glorieuse, souvent dans des rôles de prostituée
ou de copines de dealer, un peu comme Antonio Vargas, qui deviendra
Huggy les bons tuyaux dans starsky & Hutch après avoir
été le dealer à la cool qui manque son coup dans
beaucoup de films de la blax, comme le merveilleux Foxy Brown. Preuve
d'ailleurs que le genre n'était pas aussi cool que la version
édulcoré et politique que l'on en a aujourd'hui. Les
films de la blax surfent certes sur la popularité des grands
leaders africains-américains de l'époque, Malcom X,
Marcus Garvey et les Blacks Panthers et donnent à la population
noire des objets d'identification culturelle (et sexuelle) mais les
producteurs sont des blancs ; et les plus pourris qu'ils soient :
"Schmull" producteur de Foxy Brown faisait parti de ceux
qui ont produit également les films de karaté pour les
communautés asiatiques à la même époque.
Une fois l'argent empoché, ils se sont cassés sans demander
leur reste. Il faudra, avant Tarantino, l'amour inconditionnel de
Tim Burton pour le cinéma de série Z pour aller chercher
Pam Grier et la faire jouer dans Mars Attacks le rôle d'une
femme noire, chauffeur de bus à poigne.
A partir de là, jusqu'en 1977, Pamela devient l'égérie
de cette sous-culture faites pour les noirs, mais qui compte beaucoup
de fans chez les blancs : la raison à la musique bien sur,
mais aussi à une certaine pauvreté de la série
B destiné au public WASP. Ainsi, elle enchaîne les nanars
kitschissime, comme la série des Blackula, ou des Coffi, et
surtout Foxy Brown dont Tarantino c'est largement inspiré pour
faire Jackie Brown.
Foxy Brown, c'est l'histoire d'une femme amoureuse d'un flic noir
intègre qui tente de virer les dealers du ghetto grâce
à l'aide des milices "anti-esclavagistes" du quartier.
Et qui s'attaque de trop près au gros bonnets blancs, au point
de se faire tuer, dénoncé par le propre frère
de Foxy. Dès lors, c'est elle qui prend les choses en main
et avec l'aide des milices elle va faire la fête aux bandits
blancs, au point d'en émasculer au couteau le boss. L'image
est lourde de sens. Tarantino s'en inspire, on l'a déjà
dit : Samuel L Jackson reprend le rôle de "Schmull",
le black traître à sa cause prêt à tout
pour le fric, alors que Bob de Niro le rôle des blancs dégénérés
que Pam va niquer, car elle va les niquer, et sur une idée
qu'elle avait déjà éprouvée dans Coffi,
celle de la substitution du butin par un sac identique, principe éculé
mais hommage appuyé de Tarantino au film de Jack Hill.
Dans le Tarantino, Pamela ressemble à Foxy par son côté
intègre et par son appartenance à la classe laborieuse,
politisée, revendicative, proche des thèses politiques
d'un Malcolm X, mais aussi par son sens de l'humour et son ingéniosité.
Autre pont jeté entre les deux époques, dans pratiquement
tous ses films Pamela Grier se retrouve affublé d'un surnom
"Mistic" auquel est fait hommage dans le Tarantino puisque
le magasin dans lequel elle achète sa tenue pendant la substitution
de paquet s'appelle Mystic
A la différence près que Jackie a vieilli et que son
envie de vengeance n'est pas seulement celle de sa condition de femme
noire d'une manière générale ; mais celle d'une
femme noire de 40 ans usé par la vie les boulots de merde,
et les galères de la drogue. Elle usurpe 500.000 $, mais elle
l'usurpe à de tel salauds que ce n'est presque pas du vol.
Et en plus après vingt ans de galères, Jackie va pouvoir
enfin et grâce à ce fric se consacrer à un travail
honnête, loin des emmerdes du ghetto. Le rêve de Foxy
ou de Coffi, toujours entravé par ses ennemis.
En revanche, la métaphore est là très présente
: Jackie Brown est Pamela Grier dans la vie comme à l'écran
; elle arnaque les petits blancs qui l'ont exploité, elle se
sert sur le trésor de fric qu'ils ont gagné sur son
talent et son décolleté. Elle reprend ce qu'ils lui
ont volé Par tous les moyens nécessaires. Et elle se
casse, loin de toutes ces merdes, plus belle que jamais. Elle aurait
du tourner dans Pulp Fiction à la place de Rosanna Arquette,
le rôle de la junckie. Mais Tarantino avait mieux pour elle,
pour rendre hommage à l'héroïne de cassettes vidéo
de son enfance, lui le filmophage comme il se définit.
Et bien lui en a pris : depuis Pamela est bien vengée : fini
les rôles de pute dans deux flics à Miami ; Son prochain
film, les fantômes de mars a été tourné
avec John Carpenter, elle a tourné dans Holy Smoke de Jane
Campion. Black woman is the nigger of the world disait John Lennon
dans une chanson défendant les droits civiques. Pamela Grier
fait à sa mesure parti de ceux qui essayent de briser les chaînes,
et rien que pour cela, la Blaxploitation, aussi tendancieux que cela
puisse être parfois, a généré un cinéma
intéressant a plein de points de vue, et d'une richesse incroyable.