Un héros très discret : l'ombre des armées


Dehousse est un enfant solitaire, sa mère lui ment, lui faisant croire que son alcoolique de père est mort front alors qu’il est mort au café. Pendant la guerre, il passe entre les bombes, s’inventant un talent d’écrivain qu’il n’a pas, n’ayant jamais passé le stade de la réverie. Il se marie en abusant de ce talent auprès d’une jeune ouvrière. Puis s’en va un matin pour Paris, après un choc.
Premier film du fils du dialoguiste Michel Audiard, « Un héros très discret » est un film qui est passé comme un avion dans le paysage du cinéma français. Comme un avion ou plutôt comme une grenade dont on aurait dégoupiller l’amorce sans faire gaffe et qui vous sauterait à la gueule juste au moment où vous remettez la main dessus. Adapté d’un roman du résistant, académicien et gaulliste Jean-François Deniau qui avait du faire trembler le tout-Paris de la génération FFI, le film, tout comme le livre raconte l’histoire d’Albert Dehousse, magnifiquement interprété par Matthieu Kassowitz, jeune mythomane nordiste qui, un soir où tout bascule, s’en va à Paris et au gré des circonstances et de son fabuleux talent de la mise en scène, va se retrouver propulser « ancien » de Londres et conseiller militaire à Baden-Baden, lui qui n’a jamais été Résistant, et pour tout dire, ne fut rien du tout. De qui c’est inspiré Deniau ? C’est la question qui hante tout le monde… Mais à coup sur de plusieurs Résistants de pacotilles
Le film garde le ton extrêmement ironique du bouquin, raconte cette histoire magnifique et d’une richesse énorme avec beaucoup d’enthousiasme. Mais ce qui est extraordinaire, c’est le talent d’Audiard, alors jeune réalisateur, à maîtriser une mise en scène inventive et pas forcément évidente. Mais avant de revenir sur le traitement visuel étonnant, revenons sur le Casting. Outre Matthieu Kassowitz, on peut s’apercevoir après coup que tous les jeunes acteurs du film constituent l’une des distributions les plus ébouriffantes du cinéma français populaire actuel, jugez plutôt : Sandrine Kiberlain, Albert Dupontel, Anouk Grimbert, Philippe Harel, Bruno Putzulu… Tous plus ou moins connus à l’époque –le film date de 1996-, ils donnent un composition qui offre encore plus de crédibilité à l’histoire.
Mais ce qui étonne c’est le ton d’Audiard, qui avec la voix off d’un Trintignant jouant Dehousse vieux et le traitement d’image donne une vision du cinéma très « Améliepoulainesque ». Dire que ce film à inspiré Jeunet, c’est plus qu’une évidence. L’habillage des scènes, notamment celles remplies par l’imagination de Dehousse enfant par des raccourcis ou des illustrations proches d’une BD filmée, font vraiment penser à Amélie et même si ce n’est –du tout- le même sujet ces pour ce deux films appartiennent à une certaine communauté d’idée du cinéma.
L’art de Audiard et de Deniau, c’est de nous donner de la sympathie pour ce « héros » crépusculaire, qui serait passer pour une crapule dans bien des films. Certaines scènes sont fantastiques, comme toutes celles qui se passent chez les logeurs de Dehousse, ses premiers pigeons, où celles où Dehousse se retrouve pour la première fois face au feu, en bute à une décision courageuse, celle de fusiller les nazis de la « Division Charlemagne »
L’histoire inouïe de ce mythomane, le traitement qu’Audiard lui donne, mélange entre la fiction aux plans très sages, c’est fameux interludes et des « documenteurs » filmés à l’épaule à la manière du reportage sont un cocktail parfait qui manquait certainement à « L’emploi du temps » de Cantet, lui aussi sur la mythomanie. Un cocktail qui ne saurait faire oublier de parler de l’un des acteurs les plus enthousiasmants en France aujourd’hui, Albert Dupontel, qui livre là un de ses meilleurs rôles, en ancien résistant homosexuel.