Le film de vacances
est presque un genre à part entière dans le cinéma
français. Un sous-genre, plutôt, appartenant au domaine
plus général de la comédie. On en connaît
quelques exemples, comme les films de Diane Kurys ("La Baule,
Les Pins"), ceux de Pascal Thomas ("Les maris, les femmes,
les amants"). On reconnaît en général ce
style de film grâce à une petite nostalgie douce-amère,
un rire parfois un peu distancié par le rapport que nous avons,
pour la plupart d'entre-nous avec les vacances à la mer, les
odeurs, les souvenirs
Souvent taxé, à juste titre,
de nostalgie facile, comme notamment pour les films de Diane Kurys,
certains de ces films sont au contraire des petits joyaux de finesse
et de mélancolie goguenarde. Parmi ceux-ci, le chef d'uvre
de Jacques Tati, "les vacances de monsieur Hulot", qui en
appelle presque à des sentiments supérieurs, à
une sorte de nostalgie imaginaire, puisque c'est d'une époque
révolue dont il est question, et que c'est finalement la projection
d'une époque plus douce, d'un désir de nostalgie qui
nous émeut.
Bruno Podalydès, le talentueux réalisateur de "Versailles-Rive
Gauche" marche dans cet état d'esprit lorsqu'il tourne
"Liberté-Oléron". Car sans se réclamer
seulement de Tati, et en avouant humblement ne pas vouloir se mesurer
à lui, il picore dans le personnage d'Hulot des gags et des
situations, des quiproquos et des postures.
Le film s'ouvre sur une famille assoupie dans une voiture. Une femme,
quatre enfants, et le père, seul vaillant, comme un capitaine
de route, qui conduit. Ils arrivent en vacances sur l'île d'Oléron.
On sent déjà la fêlure. Les enfants et la femme
profitent, tandis que le père est tourné vers un seul
objectif : réussir ses vacances à tout prix.
Le traitement de l'image aussi est intéressant. Un peu jauni,
et avec des saccades qui parfois rappellent la Super 8. Les plans
sont des plans assez larges, souvent inspiré des cartes postales
(2/3, 1/3)
On s'amuse beaucoup de cette famille, de ses ballons
gonflables, de ses bouées, de son sous-marin télécommandé
à 500 balles (Jojo le requin). Au début assez chargé,
le coup porté à la petite famille bourgeoise en vacances
est distancié, là aussi par un regard attendrissant.
L'utilisation de la méthode Podalydès (Une troupe d'acteur
attachée à lui, une large part à l'improvisation)
permet que cela ne soit pas trop féroce. Le frère du
réalisateur, Denis Podalydès est lui fantastique dans
ce genre de situation. Habitué au travail de son frère,
il campe le personnage du père de la famille Monot avec une
complicité évidente. A la fois médiocre, pleutre,
vieux jeu et égoïste, le personnage du père arrive
à nous sembler attendrissant dans sa Lubie : acheter un bateau.
Car c'est tout le moteur du film, le bateau de monsieur Monot. Car
bien sur, il n'y connaît rien à la voile, s'engueule
avec sa femme, l'excellente Guilaine Londez sur le prix du bateau,
se fait arnaquer, etc. Les morceaux de bravoures de Denis Podalydès
sont tous réussis avec quelques mentions spéciales :
la scène de la crêperie et, bien sur, la scène
de l'avarie de dériveur. Il est au top de son personnage, insultant
et crachotant, irradiant de mauvaise foi que cela en est un bonheur.
Et l'on ne saurait oublier de citer, de la part de ce tintinophile
averti, une référence plus que sibylline au capitaine
Haddock.
Les scènes qui s'enchaînent sont autant de petites madeleines
trempées dans l'océan. Et même si l'on peut déplorer
quelques scènes en trop qui rallongent un peu trop la sauce,
elle prend tout de même sur la plupart des plans. Et l'on retrouve
avec plaisir la poésie un peu décalée d'un cinéaste
à part dans le paysage français.