Nous parlions,
il y a quelques semaines de l'importance de la politique au cinéma,
et nous vous rappelions, à l'occasion du superbe film de Costa
Gavras, Amen, de l'importance de mémoire dans la culture cinématographique,
de la force intrinsèque de la politique dans cet art du vivant
que représente le septième art.
Pourquoi ? et bien tout simplement parce que c'est un art populaire
qui peut toucher parfois au sublime, et la sublimation de ces films
sont souvent très politique. Comme vous vous en doutez, nous
allons parler de cette expression politique dans cette chronique,
et plus particulièrement de la peinture, mais aussi dans l'expression
du fascisme dans les films. Bien sur, vous pouvez vous reporter au
film de Costa Gavras, Amen, qui montre une partie du programme des
fascistes, à base de haine et de meurtre, filmé sans
concessions, avec violence et retenue à la fois.
Violence et retenue, c'est bien souvent ce qui caractérise
les cinéastes qui se sont opposé au fascisme et à
l'extrême droite dans leurs films. Je sais que vous n'aurez
peut être pas le temps de tout visionner d'ici Dimanche prochain,
à moins que vous soyez comme moi, et que vous ne dormiez plus
depuis dimanche soir, mais je vais quand même vous proposer
une sélection de film ayant trait ou dépeignant l'extrême
droite ou montrant ce que pourrait être une société
sous la férule d'un dictateur fasciste. Responsable de deux
guerres dans le siècle (Celle Mondiale, et l'autre d'Espagne)
pour avoir pris le pouvoir par la force ou par les urnes de la désespérance,
il ont fortement influencé l'univers romanesque, et donc scénaristique.
S'il ne fallait garder qu'un seul réalisateur, ce serait bien
sur Costa Gavras que nos suffrages se porterait, tant le réalisateur
du brûlot "Z", sur un meurtre déguisé
en accident d'un membre de l'opposition, méthode habituel de
ce genre de régimes totalitaire s'impose. Les films qui traite
du fascisme et du totalitarisme utilise souvent la paranoïa et
la théorie du complot comme fondement de leur rapport scénaristique.
Prenons un exemple d'école tel qu'il est décrit dans
le film de Lautner, "Mort d'un pourri" tourné en
1977, et qui contait des affaires troubles en milieu politique :comme
nous le rapporte le magnifique essai de Yannick Dehée, "Mythologies
politiques du cinéma français" au éditions
PUF, "mort d'un pourri" rappelle avant tout que le fascisme
et l'extrême droite sont surtout les ferments de l'omnipotence
du pouvoir et du capitalisme. Ainsi, Klaus Kinski, qui joue dans le
film le rôle de l'obscur dirigeant de multinationale, entre
Berlusconi et Le Pen, un sinistre dénommé Tomski, déclare
: "Nous avons mis en place l'Internationale du Pognon, nous n'avons
plus d'amis, nous avons des partenaires, nous n'avons plus d'ennemis,
nous avons des clients
" comme pour montrer les liens ténus
entre le pouvoir des fascistes et le grand capital.
L'exemple vient aussi de l'étranger : Je ne vous rappellerais
pas l'immense électrochoc que représenta "American
History X" cette histoire de skinhead américain, filmé
par Kaye, sinon qu'elle représente avec exactitude ce à
quoi pourrait ressembler nos rues si les nervis de l'extrême
droite venait y replonger leurs nez
Et l'insécurité,
"ce fantasme bien réel" serait, pour le coup, une
immense réalité, il n'y a pas que ce film, bien sur,
il y a "La mort est mon métier" de l'allemand Theodor
Kottula, tiré de l'excellent bouquin de Robert Merle, qui raconte
l'ascension inexorable d'un petit nazillon du NSDAP, le parti nazi,
et qui va "gérer" les chambres à gaz nazis
qui tuait à tour de bras comme un site industriel. Il y a aussi
le terrible film de Liliana Cavani, "portier de nuit", avec
Charlotte Rampling, où les scènes les plus crues ne
nous sont pas épargnées, dans cette histoire de déportée
retrouvant ses bourreaux.
En Espagne aussi, ou Buñuel, a lui aussi, à sa manière,
raconté l'horreur de la barbarie franquiste dans plusieurs
de ses films, comme bien sur "Los Olvidados", poignant.
Mais la palme de la description horrible de cette dictature au cur
de l'Europe, c'est certainement dans le chef d'uvre de Carlos
Saura "Anna y los Lobos" avec Géraldine Chaplin qu'elle
existe. Sous couvert de l'histoire d'une institutrice débarquant
comme préceptrice dans une étrange famille, c'est tout
le régime patriarcal d'une extrême droite vieillissante
et puant l'urine, toute la pensée rétrograde de fasciste
abuseur et répugnant, toute l'incompréhension de la
Liberté incarné par Géraldine Chaplin qui est
décrite.
De Chaplin, juif américain, vint finalement l'une des critiques
les plus acharnées du totalitarisme, en usant de l'humour :
Chaplin y tient le rôle d'un hitler de pacotille, et c'est aussi
le rire qui le tue. C'est Benigni, le réalisateur de "La
vità e bella" qui le résume le mieux : "Le
rire nous sauve : voir de l'autre côté des choses, le
côté surréel, amusant ou parvenir à l'imaginer
nous empêche de nous briser, d'être emportés comme
des fétus, nous aide à résister pour réussir
à passer la nuit, même lorsqu'elle paraît longue".
Benigni avait pris le parti, comme Gavras pour "Amen" d'ailleurs,
de ne pas filmer l'horreur. C'est le postulat de Rivette : "Il
est des choses qui doivent être abordé dans la crainte
et le tremblement ; la mort en est une, sans doute ; et comment, au
moment de filmer une chose aussi mystérieuse ne pas se sentir
un imposteur ?" Il y a d'autres écoles, nous le verront,
et particulièrement dans le documentaire.
Mais il n'y a pas que le fascisme d'état, celle des dictatures
officielles qui font le cinéma sur le fascisme, il y a notamment
le racisme des guerres de colonies, celle d'Algérie en tête,
ou sévissaient d'ailleurs tous les représentants de
l'extrême droite française actuelle ; si vous voulez
d'ailleurs en savoir plus, penchez vous sur le film salutaire de Laurent
Heynemann, "La question", sur un journaliste tabassé
par des militaires français pour avoir écrit des articles
contre le pouvoir. Tout un programme. Il y a aussi "le petit
soldat", de Jean Luc Godard, un film sur l'OAS tout à
fait saisissant, où Le Pen était tellement visé,
qu'il se lança à l'époque dans une diatribe réclamant
l'expulsion du cinéaste suisse hors de France, preuve de son
attachement profond à la liberté d'expression. Mais
il n'y a pas que Godard qui a subi les foudres du FN : "Avoir
20 ans dans les Aurès", tourné en 1972 par l'habituel
documentariste René Vautier, fut presque interdit à
Tourcoing, lors d'un festival "contre le racisme", par les
pressions des élus FN.
On parle des documentaire
Et contre le fascisme et ses méfaits,
c'est une arme redoutable : on a parlé de Vautier, et ses documentaire
sur l'Algérie, il y a d'autres pistes, et même celle
qui fait froid dans le dos, celle signée par Alain Resnais,
"Nuit et Brouillard", qui rappelle en à peine plus
d'une demi-heure "coup de poing" ce que peut donner un régime
d'extrême droite : la mort et le sang, celle d'une communauté
et celles des gens de gauche, toujours en tête quand il s'agit
de se faire massacrer. Le cinéma pose la question par la morale
de ses images de la violence des actes, et se pose donc nécessairement
en politique , pensée formidablement résumé par
Godard dans cette phrase lumineuse : "Savoir ne suffit pas, il
vaut mieux voir. Pourquoi les hommes préfèrent ils dirent
"jamais plus" plutôt que de montrer ? Le cinéma
c'est aussi croire à l'incroyable.". C'est un peu le mythe
de la Méduse vaincue par Persée : Affreuse, elle transformait
en pierre ceux qui osait la regarder en face. Persée la vainquit
en ne la regardant qu'à travers un miroir. Montrer la barbarie
dans les films et les documentaires, c'est avant tout montrer, montrer
pour ne jamais l'avoir en face, dans les replis de notre chair.
Et enfin, Pour tous ceux qui voudrait voir à quoi ressemble
l'ordre noir du fascisme, pour tous ceux qui voudrait voir finalement
l'horreur en face, il y a les documentaires nazis de la nazillone
allemande des années 30, la sinistre et malheureusement talentueuse
Leni Riefensthal qui filma les nazis dans leurs congrès ou
leur démonstrations de force, ses marches au pas et ses nuques
bien droites, ainsi que le racisme profond de ses cadres. Une sorte
de témoignage qui paraissait peut être complaisant à
l'époque, puisqu'elle est à l'origine finalement de
la propagande filmique, mais un terrible aveu finalement, et un témoignage
capital sur la haine et ses effets. C'est dans ses documentaires que
l'on peut voir un Hitler déclarer : "Je suis socialement
à gauche, économiquement à droite, et dans le
cur, allemand". Une phrase que Le Pen a reprise il y a
peu. Au moins on sait ou il s'en va.