Ce soir, nous parlerons
donc de South Park le film, dans cette émission consacrée
à notre dessin animé du moment. Mais parler de South
Park, c'est avant tout parler du dessin animé en général,
et faire un état en ce début de XXIème Siècle.
Car le dessin animé est un genre à lui seul, qui sous
format celluloïd existe depuis autant de temps que le cinéma.
Le dessin animé a une vraie histoire à part entière,
d'abord parce qu'il permettait d'aller plus loin dans le déroulement
de certaines histoires que ne pouvait y aller avec de vrais personnages.
Méliès l'avait très bien compris, lui qui dès
le début du cinéma, à l'aube du siècle
précédent avait utilisé les effets spéciaux
dessinés sur la pellicule, que le dessin, au cinéma
avait un véritable avenir. Mais non seulement un avenir, une
véritable vie à part entière. Nous parlons de
South Park, et quel esprit malade peut venir nous parler de Méliès
vous direz-vous ? Parce que, l'air de rien, ils sont de la même
veine.
Oulah ! vous dites vous
Qu'est-ce que Stan, Kyle ou Kenny ont
à voir avec ces vieux caciques ? eh bien tout
Mais nous
aurons l'occasion d'y revenir. Pour l'instant, attachons nous à
voir ce qui fait le succès de la série South Park, ainsi
que ce qui avait fait le succès du film. Le cartoon d'abord.
Depuis le début des années 90, avec notamment l'impulsion
des Simpsons de Matt Groening, le dessin animé américain
a vu son dessin se simplifier, pour ressembler de plus en plus aux
"comics", ces bandes dessinées étasuniennes
très populaires, des Peanuts à Andy Capp. Depuis le
succès populaire de Hanna Barbera, le studio qui produisit
Scoubidou, la famille Pierrafeu ou les fous du volants, ce genre de
productions avait la faveur du public. Dans les années 90,
ce sont des chaînes comme MTV, ou Comedy Central qui ont produit
ce genre de pochades, en y introduisant une valeur qui n'existait
pas dans les comédies familiales : La vulgarité, ou
pour le moins les situations scatologiques ou les phénomènes
de murs
Ce genre de comédies existait déjà
sur papier, notamment dans des publications comme Mad, mais n'avait
jamais été porté sur celluloïd. La faute
en était sans doute à l'image enfantine du dessin animé,
trusté par un Disney honnit de tous. Mais avec les Simpsons,
Daria, Beavis & Butthead ou South Park, c'est un nouveau public,
celui du câble et de la trash TV qui est visé, un public
qui a grandit avec les superproductions Disney, mais aussi avec la
télé. D'où le succès. Ne restait plus
qu'à le porter au cinéma.
Adapter ce genre de séries basées sur un format de 26
minutes est une gageure sur laquelle peut de gens investissent d'argent
en général. Beaucoup de producteurs, beaucoup d'exploitants
les deux mamelles de médiocratie cinématographique sont
persuadé que le dessin animé est réservé
au seul public enfantin. On ne peut pas reprocher à des gens
que seul l'argent mue de connaître le cinéma, mais ce
n'est pas tout fait vrai. En fait, le dessin animé a toujours
suivi l'idéologie dominante. Jusqu'à l'apparition des
deux trublions Trey Parker et Matt Stone dans le paysage du septième
art, seul les animateurs européens avait su utiliser le dessin
animé, la caricature en fait, à des fins de contestation
politique. C'est le cas de Paul Grimaud notamment, dans "Le roi
et l'oiseau", mais aussi de toute l'école de l'Est, Gari
Bardine en tête jusqu'aux mauvais esprits belges qui commettent
régulièrement PicPic André et ses amis. Aux Usa,
le dessin animé a toujours servi la propagande. Pour Disney,
pas d'épilogue, il suffit de voir ses films et de savoir qu'il
fut l'un des plus grand délateur de la liste noire Maccarthyste
Mais les autres également. Le Bugs Bunny de la Warner fut utilisé,
avant Pearl Harbor pour faire admettre aux américains l'entrée
en guerre de leur pays. Le seul point commun a tout cela, c'est que
de tous temps, le Dessin animé a servi des causes, qu'elle
soit celles de l'idéologie dominante ou celles de la contestation.
Est-ce que le jeune Trey Parker a étudié ce phénomène
dans son école de cinéma où il rencontra le dessinateur
Matt Stone. Peut être. Toujours est il qu'il se nourrit de comics,
et, au vu de "Bigger, Longer & Uncut" pas seulement.
Car le film est plein de clin d'il au cinéma et à
la culture underground. Premier de ceux-ci, Michael Moore, dont l'idée
de la guerre contre le Canada avait déjà été
le prétexte de sa seule fiction "Canadian Bacon",
qu'il présenta à Cannes en 1995. Mais aussi à
la Blaxplotation, et par là même à l'ensemble
de la série B américaine par la seule voix du Black
Moses, Isaac Hayes, la légende vivante de Shaft. Et bien sur
aux productions européennes
Il n'y a qu'à voir
la production de fin d'études de Parker pour comprendre que
derrière l'humour grossier de façade se planque une
vraie critique de la société américaine. Ce film,
Captain Orgazmo, sorti en 1994, n'est pas un Dessin animé,
mais un film classique, qui raconte l'épopée d'un mormon
dans le milieu du X hollywoodien. Le film, plein de mauvais esprit,
n'est qu'une critique au vitriol d'une Amérique angélique
qui se fissure. Son film fait directement référence
au travail d'un Kevin Smith, le réalisateur de Clerks et de
Dogma. Tout est déjà annoncé. Ne restait plus
qu'à avancer masqué.
De son côté, Matt Stone, dessinateur passionné
de cinéma fait son uvre de fin d'étude sur Celluloïd,
avec comme héros un petit gros colérique. Cartman est
né, et c'est un peu le Mickey du duo. En plein triomphe de
Beavis et Butt Head sur MTV, au mitan d'un décennie passionnante,
les deux trublions proposent South Park à la chaîne Comédie
Central. D'abord attiré par la vulgarité du propos,
le public va être de plus en plus surpris par la dureté
du propos et la violence anti-américaine de certains épisode.
Lors de la projection du film, certains ont du être étonné.
Si la première demi-heure du film ressemble a un épisode
classique, le reste n'est pas du tout à l'avenant. On y tue
Bill Gates, on compare les Etats-Unis à la barbarie nazie,
on se moque sans vergogne de Disney ( la scène avec le diable
ressemble plan pour plan à un scène du Bossu de Notre
Dame
) et surtout, on est surpris par la qualité graphique
du dessin animé, hyper soigné et avec des plans souvent
très inventifs. Et puis l'histoire aussi, dont il faut tout
de même parler. Cette guerre mené contre le Canada parce
que Térence et Philip, un dessin animé qui met South
Park en abyme, est jugé trop vulgaire. Cette résistance
mené part les enfants, armé d'un drapeau noir et rouge
de la Guerre d'Espagne pour sauver leurs "amis". Le tout
sur des musiques de l'orchestre de Hayes ou des Rockers de Primus.
Bref, un vrai brûlot pour la liberté d'expression.
S'il ne fallait retenir qu'une scène du film, on ne retiendrait
que cette scène avant l'attaque des forces américaine,
où le général explique que l'attaque va être
effectuée en deux vagues, la première, plus meurtrière,
étant exclusivement constitué de noirs, dont le chef
(joué par Isaac Hayes). Celui ci s'en émeut, en demandant
au général s'il a déjà entendu parlé
de la "déclaration d'indépendance". Réponse
cinglante de l'autorité américaine : "Je n'écoute
jamais de Hip-hop !" S'il ne fallait résumer tout en une
phrase
Depuis, le dessin animé n'est d'ailleurs plus tout à
fait pareil. Les opposants à Disney se manifestent et osent
le mauvais goût. Rien de politique bien sur, on est dans la
récupération, mais la résistance des enfants
n'aura pas été vaine. Aujourd'hui, Dreamworks fait Shrek
sans vergogne plutôt que de nous chier Anastasia. MTV produit
Daria. Et même Disney s'y met, avec son studio Pixar et les
chefs d'uvres de Lasseter, les deux Toy Story. Mais aussi en
produisant les Manga de Miyasaki, le réalisateur de Princesse
Mononoke. Ce n'est peut être pas grand chose, mais au moins,
ça permet à South Park d'être à l'abri
de la censure sur Comedy Central, car plus personne n'ose y toucher,
et pourtant, ils vont de plus en plus loin. Et rien que pour ça,
ils l'ont où les censeurs ? Ben dans ton cul, Térence
!