Six feet under, la série un cran au-dessus

 

Pas de news futiles et people cette semaine, mais un bref crochet par la case Télénet, dont je suis certaine qu’elle manquait à nos plus fidèles auditeurs. Au passage, que les mélomanes se rassurent, je ne sévirais pas musicalement en fin d’émission…

Je voudrais vous parler, avec un peu de retard, certes, d’une série qu’on peut aisément classer, au même titre que Friends par exemple, dans la catégorie "Drogues dures".

Vous l’aurez compris, il ne sera pas question ce soir de Commissaire Valence, la dernière série produite par TF1 mettant en scène un Bernard Tapie plus crédible que jamais en flic…

Non, pas de moquerie facile ce soir, car je vais vous parler d’un extra-terrestre télévisuel, qui nous vient tout droit, comme c’est original, de la chaîne américaine HBO. Je rappelle à nos auditeurs que HBO est la chaîne américaine la plus créative en matière de série et en général, ce qui nous arrive de mieux vient de chez eux. Citons par exemple les Sopranos ou bien encore Sex and the City et bien sûr la série qui nous concerne ce soir, l’excellent Six feet under.

Six feet under a démarré sa carrière française sur Canal Jimmy l’année dernière et la continue un peu plus démocratiquement sur Canal Plus, tous les samedi soirs à 21 h, à raison de deux épisodes par semaine. Cette série, récompensée à de nombreuses reprises (au Golden Globes notamment) est encensée jusque dans Libé et vu sa qualité, vous ne serez pas surpris d’apprendre que son créateur n’est autre qu’Alan Ball, le scénariste du plurioscarisé American Beauty.

L’action de Six feet under se déroule dans une entreprise de pompes funèbres de Los Angeles, propriété de la famille Fischer, dont le père, Nathaniel, meurt accidentellement dans le premier épisode. Reste donc la mère, Ruth, à la fois veuve éplorée et femme libre de continuer au grand jour la liaison qu’elle entretenait depuis des années avec Hiram, un ancien coiffeur ; la fille cadette, Claire, 17 ans, en pleine crise existentielle, qui a pour seules fréquentations le psy de son lycée, une ado pas très nette et un clone d’Eminem borderline, et qui ne se déplace jamais autrement que dans son corbillard repeint en vert pomme ; Dave, le fils modèle, bien propre sur lui, digne successeur de son père à la tête de l’entreprise familiale, homo honteux en pleine crise d’identité ; et Nate, l’autre fils, qui avait fui très tôt l’univers si sordide de sa famille pour finalement y rester, beau gosse pris au piège du coup de foudre survenu dans l’avion du retour à Los Angeles. Ce coup de foudre et l’histoire forte et chaotique qui en découle, c’est avec Brenda qu’il le vit, alias Rachel Griffiths, actrice australienne déjà confirmée qu’on a pu voir notamment dans Muriel’s Wedding de P.J. Hogan et dans Me myself I.
Autour de la famille Fischer, gravite tout un petit monde, composé notamment de Rico, maquilleur de génie qui rend présentables les cadavres amenés chez les Fischer, Keith, flic homo militant, ex et surtout ange gardien de David, Gabe ami puis boyfriend un peu space de Claire, et Billy, frère maniaco-dépressif de Brenda avec qui il vit une relation plus que fusionnelle et qui du coup supporte mal son histoire avec le beau Nate.

Voila pour le bref tour d’horizon des personnages de la série.

Cette série sort de l’ordinaire à plusieurs titres. De part son sujet d’abord. Une série dont l’action prend place dans une entreprise funéraire, comme dirait Thérèse : "C’est quelque chose qui n’est pas commun et que vous ne verrez pas sur tout le monde !". De part la manière dont le sujet est traité ensuite : cynisme et humour noir se taillent la part du lion dans le récit, et de nombreux tabous sont brisés, ce qui est déjà en soi une performance de ce côté de l’Atlantique… Il faut bien reconnaître que ce n’est pas une mince affaire que de proposer une série qui traite de la mort en la montrant jusque dans les sous-sols d’une entreprise de pompes funèbres, là où on "prépare", et où parfois on répare, les morts avant de les exposer dans leur cercueil. Non, ce n’est pas facile, surtout si en plus on ose y montrer une veuve joyeuse et indécise – Hiram est toujours là, mais il lui faudra de nouveau un deuxième homme dans sa vie – des scènes d’amour plutôt explicites entre mecs et les fantasmes de l’indécis David, des morts pas franchement anecdotiques (on notera certes, le fabuleux coup de poêle sur la tête de cet insupportable mari qui passe son temps à s’écouter parler, ainsi que l’encastrement de la quinqua bourrée, sortie d’un toit ouvrant de limousine, sur un panneau de signalisation routière, mais il y a aussi ce meurtre sauvage d’un jeune gay, achevé à coups de pied et de manche de pioche par deux américains moyens à la tête trop près du bonnet). Ces morts constituent les scènes inaugurales de chaque épisode, et l’action se déroule ensuite autour de ces décès, ayant parfois des répercussions directes sur les membres de la famille Fischer, comme par exemple le meurtre de ce jeune gay dans l’épisode diffusé samedi dernier sur Canal, qui affectera un David déjà très indécis quant à la manière de mener sa vie.

Chaque épisode de Six feet under est également l’occasion d’enfoncer le clou quant à l’american way of life (à croire que quand on a été scénariste d’American Beauty on ne se refait pas…) et de montrer autre chose que la vision édulcorée qu’on peut avoir de la mort, de la famille et de la sexualité dans la majorité des séries US.

Pour une fois, on ne montre pas le gay de service, épanoui, accepté de tous et assumant pleinement son homosexualité. Non, David n’est pas comme ça. David est homo, certes, mais il est aussi très renfermé sur lui-même et surtout très pratiquant et très investi dans la vie religieuse locale. Il couche avec des hommes, certes, mais ça ne l’empêche pas de se sentir coupable et de vouloir être quelqu’un d’autre. Son personnage est assez complexe, à la fois en quête de "normalité" judéo-chrétienne et bourré de fantasmes à la limite du SM.

Pour une fois, on ne nous sert pas de la famille bien lisse, unie envers et contre tout. Certes, la famille Fischer n’est pas déstructurée. Mais les relations entre frères et sœurs et surtout entre mère et enfants ne sont pas si simples et on sent en permanence une certaine pesanteur dans l’atmosphère dès lors que la mère et l’un de ses enfants se retrouvent seuls. Malgré tous les efforts de Ruth, il y a la mère d’un côté et les trois enfants de l’autre, c’est presque palpable.
Aucun personnage n’est lisse d’ailleurs. Pas de gentils, pas de méchants, juste des gens qu’on prend comme ils sont avec leurs plus ou moins grosses névroses, avec leur passé pas toujours évident. Les relations complexes qu’entretiennent Brenda et son frère et le poids des non-dits et mensonges familiaux chez les Chenowitz ajoutent encore de la tenue à cette mayonnaise déjà très bien prise et qui rend accro au premier visionnage.

Je ne peux donc que vous conseiller de vous y mettre si ce n’est pas déjà fait. La saison 1 prend fin ce samedi à 21 h, et ce dernier épisode sera suivi du premier de la saison 2. Sachez enfin que la saison 3 est actuellement en cours aux Etats-Unis.
Si vous souhaitez plus d’informations sur la série, sachez qu’Internet est assez peu prolixe en la matière, en tout cas pour l’instant, et que les recherche sur Google ne sont pas facilitées par l’existence d’un groupe de death metal du même nom… Il vous reste toutefois les sites de HBO, de Canal Jimmy et de Canal Plus pour vous tenir au courant, ainsi qu’une page perso intéressante, heureusement car c’est la seule en français : http://sfufr.membres.jexiste.org/
Vous pourrez bien entendu retrouver toutes ces adresses sur le site de l’émission.

Et un site en anglais tout en flash : http://www.sixfeetunder.co.uk/flash/