Vis ma vie... Non merci, sans façon !

 

Ah ce que je m'en suis voulue, mardi soir, ou plutôt mercredi matin, d'avoir oublié de programmer le magnétoscope pour enregistrer l'une des mes émissions préférées sur TF1 ! Mais, la magie de la télévision a opéré, et j'ai pu réparer cette grossière erreur cette nuit. C'est donc avec un bonheur non dissimulé que j'ai débuté ma matinée en regardant des trésors de kitchitude ; en effet, comme j'avais prévu du mou sur la K7, j'ai pu, à loisir, me goinfrer des inepties qui précédaient l'émission que j'enregistrais. C'est ainsi que j'ai pu voir la fin de l'émission de potins mondains de TF1, qui propose une espèce de top 10 des meilleures ventes de CD singles, calculé naturellement selon des méthodes très scientifiques… aussi scientifiques que la calculatrice du type qui a converti en euros le montant du bakchich versé aux instituts de sondage très sérieux qui produisent ces statistiques… Et bien vous savez quoi ? Devinez qui se prend le plus gros gadin ? Les L5… qui sont produites par… M6 ! Et devinez qui reste en tête depuis bien longtemps déjà ? Star Academy… produit par… TF1 ! Ne me demandez pas qui d'autre était classé, ils sont tellement passés vite sur ceux-là que je n'ai pas retenu leurs noms…

Après la fin d'Exclusif, j'ai découvert une catastrophe industrielle de grande envergure, dont Canal ne manque pas de faire la pub d'ailleurs, une espèce de USA for Africa version enfants malades, chanté par le drôlissime Anthony Kavanagh, accompagné du très présidentiel David Douillet et d'une chorale de gamins, qui ferait passer les Petits chanteurs à la croix de bois pour de dangereux activistes trotskistes. A la fin de la chanson, David Douillet nous donne une leçon de théâtre, en déclamant, avec autant de crédibilité que Matthieu Amalric quand il sent un melon, et avec un ton tellement sentencieux que même Francis Huster a dû en être ébloui, une phrase dont je ne peux que vous laisser apprécier la portée dramatique…
Vous l'aurez sans doute deviné, il s'agit d'une campagne de pub pour les pièces jaunes de Sainte Bernadette. Heureusement que c'était enregistré et que j'ai pu passer ça en accéléré, sinon je crois que j'en aurais vomi tout mon petit déjeuner…

Mais revenons à ce qui m'amène ici aujourd'hui : Vis ma vie, un bijou de trash TV présenté par Laurence Ferrari. Laurence Ferrari qu'on peut ranger dans la catégorie "Animatrice-type" chez TF1. Animatrice-type car Laurence Ferrari est, comme beaucoup d'entre elles, à l'exception peut-être de la remplaçante de Maryse au Téléachat qu'on a sans doute choisi de manière à ne pas dérégler le pacemaker du spectateur assidu, Laurence Ferrari est donc ni belle ni moche, pas vraiment bimbo - ça nuit à l'image de la chaîne -, pas vraiment intello non plus - ça nuit aussi à l'image de la chaîne -, avec un faux air de Meg Ryan qu'on sent très travaillé.

Le concept de Vis ma vie est assez simple et surtout très racoleur : vous prenez trois personnes qui ne comprennent pas certaines passions ou professions, vous leur faites rencontrer trois autres personnes qui vivent ces passions ou exercent ces professions, vous leur faites passer deux jours ensemble et vous filmez le tout. Et hop ! Clic-clac, l'affaire est dans le sac comme dirait Michel Blanc (ou Thierry Lhermitte pour ceux qui n'ont vu que le film), ça fait de l'audience ! Depuis le début de l'émission, en septembre dernier, les sujets abordés rivalisent de voyeurisme et de beaufitude : le tuning, les CRS, les femmes qui vivent comme des hommes (je ne savais pas qu'être supporter d'un club de foot, chauffeur routier ou culturiste était réservé aux hommes…), les huissiers, la jet set, etc…

Cette semaine, beau score, les sujets concernaient les dompteurs de fauves, les danseuses topless de cabaret et les joueuses de rugby.

Le premier sujet sur les dompteurs de fauves avait pour protagonistes un publicitaire parisien (inutile de détailler, l'expression se comprend d'elle même…) et un dresseur de félins qui officie dans un "grand cirque français" selon la présentatrice, chez Pinder selon les caméras qui ne se sont pas privées pendant toute la durée du reportage. Rien à relever de cette petite mise en jambe, le type a peur d'être dans la cage des tigres, ce qui est une réaction relativement normale pour qui n'est pas dresseur de fauves. J'ai juste relevé cette petite phrase déplaisante : "Ah c'est un métier d'homme !" Sans commentaire…

Deuxième sujet, nettement plus porteur d'audimat, les danseuses topless de cabaret. Tellement porteur en audimat que TF1 ne s'y est pas trompé, c'est au beau milieu de ce reportage qu'a eu lieu la coupure pub… Dès la question posée dans l'introduction du reportage, on est dans le bain : "Morgane va-t-elle accepter de participer au spectacle ?" Nous y voilà !!!!!

Morgane, elle est commerciale dans l'immobilier. Elle a 26 ans, mais pas de bol pour elle, elle doit tellement tirer la tronche en permanence qu'elle en paraît au moins 35. Pour elle, être danseuse de cabaret, c'est un métier dégradant. Alors que, c'est bien connu, arnaquer les petits vieux en agence immobilière, c'est pas un métier dégradant… Mais peu importe.

Le reportage commence vraiment sur un spectacle de cabaret bien obscène, où des danseurs, hommes et femmes, à moitié à poil, simule une partouze sur scène. Mais c'est pas vulgaire, c'est de la danse. Les gens qui sont dans le public sont là par amour de la danse, c'est évident… Ensuite, on voit la très prude Morgane suer sur des bancs de muscu, tout en se fritant avec Jennifer la danseuse (1,80 m pour 62 Kg… rien à voir avec mes mensurations bovines !) sur la nécessité de faire du sport à outrance juste pour être bien roulée. Quelques minutes plus tard, on revoit Morgane complètement angoissée parce qu'elle vient de vivre une terrible épreuve : descendre les marches de la scène du cabaret vêtue de… de son jean et de son col roulé ! Ouah ! C'est chaud, très très chaud ! Et c'est là qu'arrive la pub, la voix off ne manquant pas de nous rappeler la question initiale : Morgane va-t-elle participer à la revue ? Ben oui, comme par hasard, après une page de pub, et sur un ton très naturel (un peu comme David Douillet tout à l'heure), elle dit qu'elle accepte de descendre les marches en tenue… On la voit donc se transformer et, comme par hasard là encore, elle est quand même gaulée comme une danseuse. Ah ça non, ils ont pas choisi Jeannine Pinchard de Sagnes-et-Goudoulet, 57 ans, 1,58 m pour 93 Kg ! C'était forcément plus vendeur d'aller chercher une dinde bretonne allergique au Kouing-Aman, que de prendre une Ardéchoise pur jus, gavée à la crique et à la châtaigne depuis sa plus tendre enfance et productrice-consommatrice de Marquisette aux abords du 15 août !

Bref, Morgane descend les marches à la fin de la revue, et retour plateau, où elle annonce avec fierté qu'elle était contente de l'avoir fait et que maintenant, elle comprenait mieux la vie de Jennifer, et qu'elle regrettait d'avoir pensé que c'était rien qu'une bimbo.

Dernier sujet, Didier, banlieusard grenoblois de 40 ans, les oreilles percées à la mode " Vache qui rit ", mode pourtant décédée en 1983, ne comprend pas comment c'est possible qu'une femme joue au rugby. Alors là, je dois reconnaître que j'ai été très déçue. Je m'attendais à un festival de machisme, et j'ai eu tout faux. Peut-être le lascar a-t-il eu peur de se prendre un pain par ces demoiselles, toujours est-il qu'il ne l'a pas trop ramené dans ce registre-là. Seul propos un peu déplacé que j'ai relevé, un timide : "C'est vraiment violent. Elles ont beau dire que c'est féminin, c'est violent". Et oui, chers auditeurs, vous ne le saviez peut-être pas encore, mais tout ce qui est féminin n'est pas violent ! Sans commentaire…

Malgré un ensemble assez décevant, ce reportage est quand même l'occasion de mettre en scène une magnifique promenade sur la plage, pendant laquelle Aline, la nana qui joue au rugby, explique à Didier comment c'est possible d'être à la fois mère de famille et sportive. La scène la plus poignante reste quand même celle des vestiaires, avant le match, où on se demande s'ils ne vont pas tous se mettre à chialer avant d'entrer sur le terrain. L'entraîneur a de plus selon toute vraisemblance visionné Les Yeux dans les bleus au moins 20 fois plus que Franpi, ce qui renforce l'intensité dramatique de la scène. Le comble de la ringardise a tout de même été gardé pour la fin, qui nous montre une ridicule troisième mi-temps, au cours de laquelle Didier reconnaît enfin que finalement les femmes peuvent elles aussi jouer au rugby. Le plus désolant dans l'affaire est que ce soit cette troisième mi-temps et non pas les performances sportives de ces demoiselles qui l'aie convaincu…

Et c'est sur ces bonnes paroles, chers auditeurs, que je vous invite à regarder, au moins une fois, cette navrante émission bimensuelle, qui aura pour prochains thèmes les contrôleurs, les femmes qui pratiquent des sports de combat, les prêtres ou bien encore les futurs pères qui appréhendent l'accouchement de leur femme… Mais que ces derniers se rassurent, car comme disait Desproges : "L'accouchement est douloureux. Heureusement, la Femme tient la main de l'Homme. Ainsi, il souffre moins".