Chers auditeurs,
vous êtes sans doute au courant, il va se passer un truc, autour
du mois de mai prochain, qui va sceller l'avenir de notre beau pays
pendant cinq ans… La bataille va être féroce, elle
a d'ailleurs déjà commencé, à coup de
petites phrases assassines et de révélations fumeuses.
Bref, une campagne électorale comme les autres… Enfin
pas tout à fait.
Outre le fait que le nombre de candidats à la candidature est
assez impressionnant, un fait nouveau vient mettre un peu de piment
dans cette campagne qui ressemble à s'y méprendre à
celle de 95 (la cohabitation, la fracture sociale, le résultat
couru d'avance…). Ce fait nouveau, c'est l'ampleur qu'a pris
Internet au cours de ces sept dernières années. En 95,
seuls quelques privilégiés, universitaires pour la plupart,
utilisaient l'outil, qui à l'époque s'adressait à
trois grands types de public :
- les amateurs de cul
- les terroristes et les fascistes
- les universitaires
l'appartenance simultanée à deux ou trois de ces types
de publics n'étant pas impossible bien entendu…
Aujourd'hui, malgré ce qu'on appelle en termes politiques la
"fracture numérique", à peu près tout
le monde peut, d'une façon ou d'une autre, accéder au
Net, pour des raisons X, Y ou Z, qui vont bien au-delà des
préoccupations onanistes des pionniers du Web.
Et nos amis politiciens ne s'y trompent pas. L'accès à
un Internet rapide pour tous est au centre de la campagne. Loin de
moi l'idée de débattre ici du bien fondé de cette
belle déclaration d'intention, loin de moi l'idée d'ergoter
en approfondissant la question de l'information et de la formation
des personnes aux Technologies de l'information et de la communication
qu'on ne peut décemment plus qualifier de "nouvelles",
loin de moi enfin l'idée de soulever le caractère profondément
démago de tels propos, souvent proférés sans
connaissance des questions sociétales et d'aménagement
du territoire qu'ils induisent. Bref, pas de polémique…
Je ferai donc l'impasse sur le fond du débat, pour ne m'intéresser
qu'à une partie, infime mais Ô combien instructive, de
la forme, c'est-à-dire les sites web de nos chers candidats.
Capitaux pendant les dernières municipales, il n'y a aucune
raison que leur rôle soit minimisé pendant la campagne
des présidentielles. D'ailleurs, tous ont déjà
leur site depuis un bon moment.
Vous noterez, chers auditeurs, le professionnalisme avec lequel j'ai
rédigé cette chronique, puisque j'ai visité,
sans exception aucune, tous les sites déclarés de candidats
aux présidentielles. Je ne donnerai, pour des raisons évidentes,
aucune adresse de site, ni à l'antenne, ni sur le site de l'émission
; en revanche, je vous invite à en visiter le maximum. Vous
trouverez ces sites à l'aide de Yahoo!, en suivant le (long)
chemin suivant : Accueil
> Exploration géographique > Pays > France > Institutions
et politique > Politique > Scrutins > Elections > Présidentielles
2002 > Candidats
L'actuel Président et le Premier Ministre n'étant pas
encore officiellement en campagne, je me suis permise de faire l'impasse
sur leurs sites, qui ne sont d'ailleurs pas signalés dans Yahoo!
J'ai donc visité au total 17 sites, qui concernent :
- François Bayrou (2 sites à lui tout seul !)
- Christine Boutin
- Jacques Cheminade
- Jean-Pierre Chevènement
- Le Parti blanc
- Arlette Laguiller
- Olivier Besancenot
- Brice Lalonde
- Corinne Lepage
- Jean-Marie Le Pen
- Alain Madelin
- Noël Mamère
- Bruno Mégret
- Ange Piccolo
- Antoine Waechter
- Utopistes / Motivé-e-s (Dieudonné)
Si c'est pas de la conscience professionnelle… Parce que je vous
jure que pour certains, il faut avoir le cœur bien accroché.
Mais je ne dirai rien sur le contenu, je vous laisse vous faire une
idée par vous même. Pas de polémique je vous le
rappelle…
Sur la forme, on note deux type de sites : les "faits exprès"
et les sites de partis sur lesquels une place, plus ou moins grande,
est accordée au prochain scrutin.
LES
SITES DE PARTIS :
La solution pour ceux qui n'ont pas de sous ou qui ne font pas d'une
campagne clinquante sur le Net une priorité. On trouve dans
cette catégorie ceux qu'on attend : Arlette Laguiller, Olivier
Besancenot, Brice Lalonde et Antoine Waechter. Bref, les gauchistes
et les verts apparentés… Deux bords qui s'opposent, jusque
dans l'utilisation du Net. Autant l'utilisation du site du parti est
intelligente chez LO et la Ligue, autant chez Lalonde et Waechter
c'est foireux.
Quand on clique sur Arlette Laguiller dans Yahoo!, on arrive donc
directement sur la page d'accueil de LO. Une page sobre, très
courte, qui permet d'accéder aux grandes rubriques du site.
Le lien entre la campagne électorale et la ligne directrice
de LO est constamment fait, on sait où va Lutte Ouvrière
et pour quoi roule Arlette. On ne tire pas l'électeur par le
bas, on lui propose de se cultiver, de comprendre le projet politique
qu'on lui propose, on lui donne des éléments pour analyser
le monde dans lequel il vit. Bref, un site sobre et efficace, qui
offre du contenu comme on dit. En plus, c'est vraiment un site de
pauvre : pas d'image inutile, d'applet Java intempestive ou de Flash
à tous les coins de page, ça va très vite à
l'affichage, même avec une connexion pourrie. On essaye de tendre
vers ça sur le site de la Ligue, mais il est regrettable qu'il
ne soit pas mis à jour plus régulièrement et
que les infos soient limitées.
Chez Lalonde, il y en a partout ! C'est un de ces bordel ce site !
Il y a du texte partout, et de toutes les couleurs, ce qui fait qu'on
s'y perd un peu. Tout ce que j'en ai retenu c'est que Lalonde était,
lui aussi, un pote à Massoud. On est content pour lui. Quant
à Waechter et son Mouvement écologiste indépendant,
son site n'apporte pas grand chose à la campagne. C'est vraiment
la vitrine de son parti, et quand j'utilise le mot vitrine, c'est
vraiment pas exagéré : on ne va surtout pas au fond
des choses… et on vend les bouquins des copains !
Dans l'ensemble, on sent en consultant ces quatre sites que c'est
fait à l'artisanale, ce qui leur donne un cachet supplémentaire.
Et une certaine cohérence entre la ligne directrice de l'organisation
et la campagne électorale.
LES
" FAITS EXPRES " :
Les "faits exprès", ce sont tous les autres ! On
en retiendra une utilisation sans modération de Flash, notamment
chez Madelin, qui a fait ressembler son site à celui de TF1,
poussant le vice jusqu'à proposer des jeux crétins tout
en Flash, sur le modèle de Qui veut gagner des millions
?… Le même Madelin qui remporte, sans hésitation
malgré le beau score de Jean-Marie Le Pen, la palme d'or de
la bio la plus populiste de cette campagne électorale, puisqu'il
se présente un peu comme un Rougon-Maquart qui aurait réussi…
Et puisqu'on parle de Jean-Marie Le Pen… je ne peux que vous
convier à aller visiter son site très tape à
l'œil, aux temps de chargement interminables en raison des animations
Flash et surtout du nombre incroyable de photos qui illustrent sa
biographie. Pour les amateurs, il y a même des affiches à
télécharger et des fonds d'écran… Et pour
rester dans le même rayon, citons celui de Bruno Mégret.
Comment dire ?… Disons que, si Internet avait existé il
y a 60 ans, il n'aurait sans doute pas fait autrement… Incontournable
sur ce site : un abécédaire tout à fait remarquable,
qui donne les définitions très personnelles de certains
concepts par Bruno Mégret himself, citations et paragraphes
de son programme à l'appui. Très instructif…
Quant à Christine Boutin, on notera qu'elle est devenue - redevenue
? - brune et qu'elle nous demande de répondre à cette
question impertinente : est-elle "marginale ou audacieuse ?".
Je vous laisse seuls juges, en vous conseillant de jeter un œil
sur ses synthèses, notamment celle concernant le PACS.
Si vous voulez rire, faites plutôt un tour chez Chevènement,
qui propose sur son site, outre une liste impressionnante de soutiens
(qui, pour le coup, ne fait pas rire du tout), une rubrique "humour".
Personnellement, je crains de ne pas avoir tout compris, parce que
je n'ai pas rit. Jacques Faizant dans Le Figaro ne me faisait déjà
pas rire, mais alors son clone sur Internet, c'est indescriptible…
Pour rire pour de vrai, c'est du côté des liens qu'il
faut se rendre ; la cohérence qui règne sur cette page
en laissera plus d'un pantois, puisque la liste des "amis"
de Chevènement va des anciens du MPF à certains membres
d'ATTAC… Au-delà de ces considérations fort subjectives,
il faut noter que le site est plutôt bien fait, agréable
à consulter, et que la possibilité de télécharger
les propositions de Chevènement en PDF est un vrai plus, qui
permet de consulter tranquille chez soi, et surtout hors ligne, le
programme du candidat.
Mais mon préféré, c'est celui de Bayrou, "La
France Humaine" ! Amis centristes, et même les autres,
allez visiter la site le plus glamour de la campagne, notamment l'impertinente
rubrique "Tout sur le bus" qui m'a donné des émotions
fortes ! Cela dit, j'ai l'air de me moquer, mais c'est complètement
anecdotique, parce qu'il faut bien reconnaître que le site de
Bayrou est plutôt bien fichu et qu'il joue à fond la
carte de l'interactivité en proposant de recueillir les questions
des visiteurs, questions auxquelles François Bayrou va répondre
(on se doute bien que ce ne sera qu'un conseiller mais c'est pas grave),
et dont les réponses seront mises en ligne. L'idée est
louable, sauf que tout le monde s'en fout comme de son bus…
Je passe sur les mystérieuses candidatures d'Ange Piccolo et
Jacques Cheminade, pour terminer avec Corinne Lepage, Noël Mamère
et Dieudonné. Corinne Lepage a fait classique, dans le registre
ni gauche ni droite mais écolo. C'est sobre et clair, même
si la petitesse de la police de caractère utilisée rend
la lecture à l'écran assez fastidieuse. Mamère
quant à lui a fait simple : un site très graphique,
indéniablement très agréable à consulter,
si ce n'est que les pop-up sont parfois un peu pourris. Il a un petit
côté très gauche 68, puisqu'il présente
le projet politique des Verts en arborant un tutoiement constant,
à la fois à l'égard du lecteur mais aussi du
site lui-même.
Les Motivé-e-s enfin sont égaux à eux-mêmes
: c'est festif, c'est joli et à elle seule, la composition
du gouvernement virtuel vaut le détour sur ce site.
Tiens, au moment même où j'écris cette chronique,
j'apprend que Chirac a lancé l'idée du RMI à
18 ans… c'est rigolo parce que je viens juste de le lire sur
le site de Dieudonné…
