Pas question de cinéma
nordique ici, mais de littérature. Finlandaise plus précisément.
Arto Paasilina est né à Kittilä, en Laponie finlandaise,
ville dont il est fréquemment question dans ses romans. Après
avoir exercé des métiers aussi divers que bûcheron,
ouvrier agricole ou poète, il se forme et entre comme stagiaire
dans un quotidien régional lapon. Il officiera dans la presse
de 1963 à 1988 et se tournera vers l'écriture pour produire
une vingtaine de romans, dont seulement 7 ont été traduit
en France, ainsi que des scénarii pour le cinéma, la
radio et la télévision.
Le style d'Arto Paasilina
est tellement particulier qu'il est assez difficile à définir.
Il est si particulier que la qualité de la traduction est primordiale
si l'on veut retrouver à chaque lecture les mêmes sensations.
De ses sept romans traduits en français, un seul (pour l'instant)
semble être un peu lâché du lot à cause
visiblement d'une traduction relativement médiocre, effectuée
par une autre personne que la traductrice "attitrée"
de Paasilina en France, Anne Colin du Terrail. Il s'agit de La
cavale du géomètre, avant-dernier bouquin de Paasilina
paru en France, mais Dieu merci, Anne Colin du Terrail a repris du
service pour le dernier édité, La douce empoisonneuse.
L'univers des romans
de Paasilina prend totalement pied dans le réel, mais relate
des histoire extraordinaires, au sens étymologique du terme.
La situation de départ est souvent la même pour chacun
de ses héros et d'un coup leur vie bascule et sort de son cours
habituel pour s'aventurer vers un grisant inconnu, le tout avec beaucoup
de finesse et d'humour. Tous ses bouquins sont de vrais moments de
détente, qu'on dévore avec appétit, à
l'exception peut-être de La cavale du géomètre
qui, comme je l'écrivait plus haut, souffre apparemment d'une
traduction de piètre qualité.
Le premier des romans
parus en France s'intitule Le lièvre de Vatanen, dans
lequel le vie d'un journaliste d'Helsinki va basculer après
avoir renversé un lièvre sur la route. Vatanen va alors
quitter sa vie pour s'enfoncer dans la forêt avec son lièvre
blessé à qui il a fabriqué une atèle,
et remonter vers le cercle polaire.
Le deuxième
roman s'appelle Le meunier hurlant et relate les aventures
de Gunnar Huttunen, meunier de son état, qui après la
guerre vient s'installer dans un vieux moulin du Nord de la Finlande.
Rien d'anormal à cela me direz-vous, sauf que ce meunier a
la fâcheuse habitude de se réfugier dans les bois pour
hurler à la lune à la moindre contrariété,
ce qui n'est pas sans provoquer quelques inquiétudes chez ses
voisins... Ces derniers, bien décidés à se débarrasser
d'un étranger aussi gênants se feront mettre les bâtons
dans les roues par la conseillère rurale du coin, qui, outre
d'excellent conseils en jardinage, prodigue à Huttunen des
soins bien attentifs...
Le troisième
roman s'intitule Le fils du dieu de l'Orage, et diffère
quelque peu des autres par sa structure. S'appuyant sur la mythologie
finnoise (fort bien présentée dans un avant-propos passionnant
et très documenté), Paasilina raconte ici l'existence
du fils du dieu de l'Orage descendu sur terre pour ramener les Finlandais
dans le droit chemin religieux, et évoluant sous l'apparence
d'un pauvre mortel pour ne pas se faire repérer. Découvrant
la condition humaine et ses contraintes, et frappé de stupeur
par l'irrespondabilité des hommes, Rutja ira de surprise en
surprise au cours de son épopée. Ce bouquin est sans
doute le plus drôle de tous les romans de Paasilina, qui prend
un plaisir évident à décrire avec naïveté
les travers humains.
La forêt
des renards pendu est
le quatrième opus de Paasilina traduit en français.
Il relate les tribulations d'un gangster en possession d'une douzaine
de lingots d'or, qui part se planquer vers le Nord, persuadé
d'y trouver la solitude et le calme... Perdu ! Affublé d'un
ex-major de l'armée finlandaise alcoolique et d'une vieille
lapone échappée d'une maison de retraite, il devra résister
tant à ses complices, prêts à tout pour récupérer
leur part du butin, qu'au monde "civilisé" que ses
compagnons d'infortune et lui-même ont fui. Sans parler des
habitants de la forêt...
Le cinquième
roman s'intitule Prisonniers du paradis et raconte l'existence
des passagers d'un avion sanitaire crashé au beau milieu de
nul part, réfugiés sur une île déserte.
Très vite, ces bûcherons et ces sages-femmes vont s'organiser
en une micro-société en recréant les éléments
essentiels de l'existence : les Finlandais distillent de l'alcool,
les Suédoises mettent sur pied... un planning familial ! A
découvrir impérativement !
Le sixième
roman est, je vous l'ai dit, un peu moins réussi, en tout cas
dans sa traduction. La cavale du géomètre raconte
l'histoire d'un vieux géomètre amnésique, qui
s'embarque dans une espèce de "road-novel" accompagné
d'un chauffeur de taxi. Tous deux vont rencontrer des personnages
aussi sympathiques qu'étonnants.
Le dernier roman traduit,
La douce empoisonneuse, relate les aventures d'une vieille
femme, torturée par son neveu qui en a après son argent,
et qui, de suicidaire, devient finalement meurtrière. Car fabriquer
un poison devient vite une activité exaltante, d'autant plus
lorsqu'on se rend compte par hasard qu'elle peut remédier à
son calvaire autrement qu'en absorbant soi-même ce poison...
Ce dernier roman n'est
pas encore paru en poche, mais on attend quand même avec impatience
le suivant, et ce n'est pas Geneviève qui me contredira !