Louis Malle

Louis Malle, c'est la force tranquille du cinéma d'auteur. Loin des écoles et des courants, il s'est construit une filmographie à part, talentueuse et émotive.

Louis Malle est né en 1932 à Thumeries, dans le nord de la France, dans une famille de la haute bourgeoisie sucrière. Très vite écoeuré par son milieu d'origine, il va, en manipulant la caméra de son père, se découvrir une passion pour le cinéma. Et c'est en rejoignant l'IDHEC, la grande école de cinéma dans les premières années des fifties, délaissant l'usine de papa.

Est-ce cet enfant juif, camarade de classe de Louis pendant la guerre, qui s'était levé à l'arrivée des gestapistes et lui avait serré la main qui lui a donné cette vision accrue de la nature humaine ? Il en racontera l'histoire en 1987, dans un de ses films les plus poignants "Au revoir les enfants". Mais avant ce film, une palanquée d'autres films et de prix l'attendait dans sa riche carrière.

Abandonnant l'IDHEC pour la Calypso, le bateau du commandant Cousteau, en tant que conseiller images, c'est tout naturellement qu'il remporte la Palme d'Or cuvée 1956, pour "Le monde du silence" conjointement avec l'Océanographe à bonnet rouge. En 1958, Louis Malle réalise deux chef d'oeuvre qui seront primés : D'abord "Les Amants", film qui fera scandale pour une scène d'orgasme (Lion d'argent à Venise) et "Ascenceur pour l'échafaud", prix Louis-Delluc, un polar avec Jeanne Moreau, qui restera célèbre pour la fabuleuse interprétation musicale de Miles Davis.

Les années 60 sonnent l'heure de la controverse pour Louis Malle. Très jeune, à 28 ans, il réalise déjà son quatrième film, pour quatre succès : "Zazie dans le métro" est une réussite, mais la nouvelle vague pointe son nez. Même si Louis Malle est encore jeune, voire plus jeune que certains membres de ce courant, il est repoussé par les critiques ; certains le jugent trop "lisse", lui reprochent son milieu social (soit dit en passant, je suis pas sur que Godard est un fils d'ouvrier) et agonissent ses films. Après quelques films visant à dénoncer la bourgeoisie, comme "Le feu follet", vient alors une série de films mineurs, mais très agréables, comme "Viva Maria", consacrant le couple Moreau / Bardot.

En 1968, Louis Malle réalise un documentaire sur Calcutta, éponyme, qui fera scandale par la crudité de certaines images. Ses films de la décennie 70 en seront impregnés, et comme il s'était opposé "de fait" aux excès de la Nouvelle Vague avant de se réconcilier avec Truffaut et Godard sur le podium de la Croisette en 68, il se fera une spécialité de la dénonciation du manichéisme, d'une lecture de l'histoire basé sur la nécessité du souvenir et de l'apprentissage des repères culturels. Ainsi, "Le souffle au coeur", sur l'inceste, et surtout "Lacombe Lucien", l'histoire d'un français moyen embrigadé "par défaut" dans la milice sont des films qui fuient le jugement pour ne donner qu'une lecture historique et sociale finalement très démonstratrices.

Forcément, cette posture ne lui a pas valu que des amis ; la gauche bien pensante du Nouvel Observateur à Charlie Hebdo criera même à l'imposture. Fausse lecture cinématographique comme fausse lecture historique : la réalité crue de Lacombe Lucien dénonce bien plus que l'engagement fasciste habituellement dénoncé : il en démontre la responsabilité commune d'une société sans culture historique. C'est également cette réalité qui guidera ses grands films.

Il en fera même une marque de fabrique. En 1972-73, il tournera des documentaires vérités : "Place de la République", ou "Humain trop humain". Après un passage à Hollywood pas toujours concluant à la fin de la décennie 70 et durant une partie des années 80, Malle revient en France refaire ses meilleurs films. "Au revoir les enfants", bien sur, mais aussi "Milou en mai", le seul film du Nul Bruno Carette, bilan mitigé et cynique des survivants de Mai 68, qui lui permet, par ailleurs, de régler des comptes goguenards avec la Nouvelle Vague.

Les années 90 seront celles de la fin, il rélisera "Fatale", un film sur le désir en bute à la carrière politique, et un dernier film en 1995, "Vanya 42ème rue" pas resté dans les mémoires. Louis Malle s'éteindra à la fin de l'année 95, à Paris.