Jean Yanne

Lui aussi, tout comme Bourvil aurait pu être dans la rubrique chansons, tant son répertoire nous plonge dans le bonheur le plus simple, son ironie criarde collant si bien à ses musiques rigolardes. Mais c'est cependant à sa carrière cinématographique que nous rendrons ici hommage, car elle a tendance à être sousestimée.

Jean Yanne, né Jean Bouyé le 18 juillet 1933 dans la riante communes des Lilas, tout comme Arlette Laguillier, mais ça n'a rien à voir, puisqu'il est en effet un homme de cinéma avant tout. Preuve en est, il habite Hollywood. Et comme il le dit si bien "si j'étais dans le nougat, j'habiterai Montélimar". Après une enfance sans histoire marquée par la guerre, Jean Yanne suis les cours du centre de formation des journalistes, avant de quitter cet établissement pour rejoindre le cabaret des "trois baudets" où il écrit des sketchs et participe à la troupe d'Yves Robert. Il joue même dans la pièce de Boris Vian, Ciné-Massacre.

Après 36 mois passé dans l'armée, pour son service militaire, Yanne retourne à ses amours : il enregistre un disque, et découvre en 61 le petit monde de la radio, Radio-Luxemmbourg, puis Europe 1, où il fera ses classes. Touche à tout, il scénarise pour la BD ("La langouste ne passera pas" de Tito Topin), co-scénarise des films, écrit des chansons...

En 1963, sa carrière cinématographique commence sur une faute de goût, puisque c'est avec le désastreux Lelouch qu'il fait ses premières armes. (La femme spectacle). Tout d'abord acteur dans des films sans grand intérêt, (Le "Bang Bang" avec Sheila n'est pas son meilleur souvenir de l'année 1966, tout comme "Le Vicomte règle ses comptes"...). Mais comme il le dit lui même : "Je n'ai pas plus d'émotions à faire de la publicité pour les nouilles qu'à jouer un assassin d'enfant", et cynisme aidant, il accepte sans broncher cette manne que certains peuvent juger honteuse (rassurez vous, il s'en fout !)

Repéré pour son personnage de cynique râleur, odieux et contestataire, il intéresse une certaine frange de la nouvelle vague, qui va en faire son salaud petit-bourgeois type. Surtout chez Chabrol, où il est reconnu, mais aussi chez Godard (Week-end). La fin des années 60 voient Jean Yanne livrer deux rôles magnifiques de répugnance dans "Que la bête meure" puis "Le boucher", deux des films les plus populaires de Claude Chabrol. En 1972, il est vraiment reconnu par la profession en tant qu'acteur grâce à Pialat, "Nous ne vieillirons pas ensemble" qui lui permet d'obtenir le prix d'interprétation à Cannes... Un prix qu'il ne viendra pas chercher.

En 1972 également, la facette la plus talentueuse de Jean Yanne apparait : celle de réalisateur de films. Après avoir créé sa boîte de production, Cinequanon, il tourne successivement "Moi y'en a vouloir des sous" une "satyre syndicale" et "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", une critique au vitriol du monde de la radio. Deux comédie de "société" à la noirceur comique sans égal en France.

Il réalisera en tout 6 films, parmi lesquels le caustique "Les Chinois à Paris", qui lui valu la plainte officielle des autorités chinoises en 1974... Et qui n'était pourtant qu'une parabole de l'occupation allemande et de l'attittude collaborationiste des français !

A partir de 1984, il part aux Etats-Unis, et utilise Cinequanon pour servir le cinéma français outre-atlantique. Il revient en France de manière régulière, pour alterner le bon et le mauvais dans ses choix de films. Mais dans les bons crus, il reste un acteur incontournable : 'Regarde les hommes tomber" de Jacques Audiart, "Pétain" de Marboeuf, ou "Des nouvelles du Bon Dieu" de Le Pêcheur. Dans ce dernier, il joue le rôle Dieu. Un rôle que son cynisme se devait un jour d'avoir.